Les Premiers Vendredis, ou démocratiser la cuisine de rue - Caribou

Les Premiers Vendredis, ou démocratiser la cuisine de rue

Publié le

01 juillet 2025

Texte de

Sophie Mediavilla-Rivard

Depuis maintenant 13 étés, l’Esplanade du Parc Olympique accueille chaque premier week-end du mois des dizaines de food trucks et des artistes pour célébrer la cuisine de rue montréalaise. Entrevue avec la cofondatrice des Premiers Vendredis, Gaëlle Cerf, qui revient sur l’histoire de l’événement, la logistique derrière chaque édition et les nouveaux projets.
premiers vendredis
Crédit photo: @humanssoftwild
Depuis maintenant 13 étés, l’Esplanade du Parc Olympique accueille chaque premier week-end du mois des dizaines de food trucks et des artistes pour célébrer la cuisine de rue montréalaise. Entrevue avec la cofondatrice des Premiers Vendredis, Gaëlle Cerf, qui revient sur l’histoire de l’événement, la logistique derrière chaque édition et les nouveaux projets.
publicité

— Comment sont nés les Premiers Vendredis?

Mon associé dans cette grande aventure-là, c’est Guy Vincent Melo. On s’est rencontrés sur un coin de trottoir au Festival de Jazz en 2010 et on est tombés en amitié devant mon food truck. On trouvait à ce moment que la cuisine de rue manquait cruellement à Montréal et qu’il y avait un besoin autant au niveau du public, que des restaurateurs et des institutions. Mais les règlements municipaux, depuis le début des années 1940, interdisaient la vente sur le domaine public: les camions n’avaient donc pas d’endroit où aller.

L’Esplanade du Parc olympique était zéro utilisée à l’époque: on a eu l’idée de commencer les Premiers Vendredis là-bas. En parallèle, on a fait changer le règlement municipal, en collaboration avec l’équipe de Denis Coderre à l’époque, qui nous a énormément soutenus.

— Et l’événement est rapidement devenu un succès?

Les Premiers Vendredis ont vite grossi parce que la masse de food trucks a grossi. Peu à peu, les restaurateurs, se sont rendu compte que d’avoir un camion ou une remorque en cuisine, ça donnait toutes sortes d’opportunités de vente différentes pour aller chercher une nouvelle clientèle.

Quand est arrivée la pandémie, en 2020, le seul type de restauration qui fonctionnait, c’était le take-out. Les camions sont devenus des espèces d’ambassades sanitaires. Ce qu’on a vu aussi par la suite, c’est qu’il y a eu un développement du type de restaurateurs qui se lançaient là-dedans, notamment des restaurateurs plus établis.

Aujourd’hui, aux Premiers Vendredis, on peut avoir au-dessus de 20000 personnes qui viennent juste pour manger, et le mois passé [en juin 2025], on a accueilli 65 food trucks! On a aussi élargi la durée de l’événement sur deux jours, soit le vendredi et le samedi.

— Qu’est-ce qui a évolué depuis les premières éditions?

Ce qu’on voit cette année, et qui est vraiment cool, c’est que de plus en plus de gens viennent aux Premiers Vendredis, mangent moins de poutine et plus de plats issus des communautés culturelles. L’événement est en mode plus créatif, et je pense que c’est lié au fait que depuis quatre ans, on met dès que possible de l’avant la culture et les traditions d’autres régions du monde. Par exemple, cette année, au mois d’août, on propose la Fiesta Latina.

premiers vendredis Crédit photo: @humanssoftwild
premiers vendredis Gaëlle Cerf et Guy Vincent Melo
Crédit photo: @humanssoftwild

— Comment expliquez-vous la longévité de l’événement?

Il y a un paquet de raisons, mais je te dirais que les principales, c’est qu’on a ce volet multiple et inclusif qui nous permet de servir toutes sortes de bouffes. Tout le monde est bienvenu, il y en a pour tous les goûts et tous les portefeuilles.

L’autre affaire, c’est qu’on est dans l’est de la ville, qui est en développement. C’est un lieu qui attire de plus en plus les gens. On sent qu’on a démarré quelque chose dans un lieu qui a besoin d’avoir plus d’accès à la culture, à la restauration, à la gastronomie…

Aussi, on reste accessible, puisque l’entrée est gratuite.

— Quelle est votre vision pour la saison 2025?

Cette année, on veut les best of. On veut du monde qui soit capable de fournir pour que l’expérience du festivalier soit vraiment top. C’est-à-dire qu’on va aller chercher des restaurateurs qui sont ultras compétents, qui connaissent le métier. Après ça, il y a des nouveaux qui arrivent et qu’on accueille avec bonheur: on les accompagne pour s’assurer qu’eux aussi aient une bonne expérience.

Bienvenue aux pitous

Première cette année: les chiens sont autorisés sur le site. «On va même avoir de la crème glacée pour les chiens. Ils appellent ça les “pupsicle”.»

— Quels défis logistiques demandent un tel événement?

Il y en a beaucoup! Il faut avoir assez de camions pour le nombre de festivaliers, s’adapter à la météo qui est toujours imprévisible…

On a aussi toujours eu le challenge de l’écoresponsabilité: on a toujours essayé de trouver une façon de générer moins de déchets et de bien les gérer. On a été dans les premiers à dire qu’on voulait des contenants compostables ou recyclables. Cette année, notre grande nouveauté, ce sont les stations de tri. On en a installé quatre avec du personnel qui aide les gens. On a également tout un plan électrique pour être capable de brancher les camions et d’éliminer le plus possible les génératrices.

On a aussi des fontaines pour que les gens puissent remplir leur propre bouteille. On essaie de vendre le moins de bouteilles d’eau possible sur le site puisque de générer des déchets de plastique à usage unique est la dernière chose qu’on veut.

— Quelle est ta plus grande fierté quand tu regardes où en sont les Premiers Vendredis aujourd’hui?

C’est de savoir que les gens, dans leur cœur, savent que les Premiers Vendredis existent. Déjà, je pense qu’on a trouvé un bon nom de festival, ça aide à se rappeler! On a eu de la chance de rentrer dans le quotidien des gens! Je suis fière aussi de constater que les food trucks ne lâchent pas. Certains sont là depuis 10 ans! Je sais qu’on représente dans l’horaire estival des camions de cuisine de rue une date où ils savent qu’ils vont avoir des revenus à peu près garantis.

premiers vendredis Crédit photo: @humanssoftwild

— Qu’est-ce que tu souhaites au festival pour les années à venir?

Mon souhait le plus profond, c’est que la restauration de rue devienne une évidence pour tous les paliers gouvernementaux, quelque chose qu’il faut soutenir et dont on doit être fiers. Je vois partout ailleurs dans le monde à quel point c’est soutenu. La cuisine de rue aux États-Unis, par exemple, fait partie de l’ADN des villes: la planification urbaine est faite en fonction de ça. Les food trucks permettent de créer du maillage et du tissu social en faisant circuler la culture par la gastronomie un peu partout. Notre bataille depuis toujours, c’est d’arriver à faire comprendre à quel point la cuisine de rue est importante pour les villes.

Montréal est une capitale gastronomique, ça passe également par quelque chose d’aussi accessible que la cuisine de rue, et pas juste par les grandes nappes blanches et les mentions du Guide Michelin.

publicité

Plus de contenu pour vous nourrir