Quand les microbrasseries pourront-elles vendre au marché public?
Publié le
01 septembre 2023
Texte de
Julie Aubé
— Précisons l’enjeu: les microbrasseries peuvent vendre de la bière à boire sur place au marché, mais il leur est interdit d’y vendre leurs bières pour emporter. Pourquoi cette distinction?
La justification qui est donnée est que les microbrasseries ne produisent pas tous les ingrédients qui composent les bières. À l’origine, l’idée était sans doute de protéger les petits producteurs de vins ou de cidres, ce qui est louable. Mais aujourd’hui, cette loi est vétuste car elle laisse des artisans comme nous derrière, alors qu’il y a au marché d’autres artisans transformateurs, des boulangers et pâtissiers par exemple, qui ne produisent pas leur farine, leurs fruits ou leur sucre. Il n’y a aucun justificatif à maintenir ce bâton dans les roues seulement pour les microbrasseurs, c’est deux poids deux mesures! Surtout sachant que microbrasseries ont le droit de vendre en marché public à plusieurs endroits au Canada, et aux États-Unis. C’est ici qu’on tire de la patte sur cet enjeu-là.
— Limités dans vos ventes, c’est forcément moins intéressant pour vous d’être au marché?
Exact! Ici, tu peux goûter aux bières, mais si t’aimes ça: oh non, tu ne peux pas en acheter! Imaginez ce qu’on perd, comme petites entreprises! Souvent, les gens remplissent leurs sacs de victuailles et gardent les achats plus lourds pour la fin. Quand ils arrivent à notre kiosque pour acheter de la bière, on leur apprend qu’on peut seulement leur servir un verre sur place… mais ils ont leurs sacs pleins à aller mettre au frais. Sans compter que pour plusieurs, les horaires de marchés sont plutôt à l’heure du café que de la bière: beaucoup de gens sont plus intéressés par les bières pour emporter que par une pinte à 10h du matin! Si vous saviez la quantité d’occasions manquées de ventes pour nous! Les marchés sont des lieux d’approvisionnement, et on nous empêche d’y participer: c’est très tannant.
Être présents au marché public, c’est un plaisir pour rencontrer la clientèle, tisser du lien, parler de notre entreprise et de notre mission, de pourquoi on fait tel produit plutôt qu’un autre, d’informer sur notre approvisionnement en ingrédients locaux: chez Griendel, on est fiers d’utiliser des houblons, des grains maltés et des fruits qui sont québécois, et on ne peut pas expliquer tout ça au consommateur juste par l’emballage.
— Pour régler cet enjeu, ne suffit-il pas d’ajuster le règlement en question?
Ça fait trois ans qu’on en parle… mais rien n’a bougé, même si ce serait effectivement vraiment simple à régler. L’enjeu paraît possiblement anodin pour le politicien, mais c’est super important pour nous. On est 328 microbrasseries au Québec, on a un savoir-faire et une expertise remarquables, on est des poumons économiques, sociaux et culturels dans les communautés où on s’implante, mais malgré tout cela, on nous brime dans nos options de mise en marché. C’est d’autant plus désolant dans le contexte économique actuel, tandis qu’on sent une légère contraction. Pour un gouvernement qui «dit» supporter le local, c’est complètement inconséquent de maintenir un bâton dans nos roues qui pourrait si facilement être retiré. Dès que c’est fait, on y retourne, nous, au marché!
— De l’espoir pour la saison prochaine?
Il le faut! Si vous croisez des politiciens qui se promènent dans les événements: aidez-nous et dites-leur que vous voulez nous revoir au marché! Et en attendant, on vous attend en brasserie!