Agriculture régénérative: Pour cette petite érablière, le bio ne va pas assez loin - Caribou

Pour cette petite érablière, le bio ne va pas assez loin

Publié le

05 mars 2025

Texte de

Alexis Boulianne

Photos de

Jean-François Gagnon

La ferme le Domaine Vert Forêt, une petite érablière du Témiscouata, s’est qualifiée pour une certification rarissime au Québec, celle de Certifié biologique régénératif, ce qui en fait aujourd’hui l’une des deux seules érablières portant cette mention au monde, et la seule au Québec. On a voulu en savoir plus sur ce que ça implique.
Agriculture régénératrice
Luce-Maude Gendreau et Valentin Deslauriers
La ferme le Domaine Vert Forêt, une petite érablière du Témiscouata, s’est qualifiée pour une certification rarissime au Québec, celle de Certifié biologique régénératif, ce qui en fait aujourd’hui l’une des deux seules érablières portant cette mention au monde, et la seule au Québec. On a voulu en savoir plus sur ce que ça implique.
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La ferme et érablière Domaine Vert Forêt s’étend sur les collines de l’arrière-pays du Bas-Saint-Laurent, dans la région du Témiscouata. C’est ici, à Auclair, que Valentin Deslauriers et Luce-Maude Gendreau, tous deux formés en foresterie, se sont installés sur une terre boisée au début des années 2000.

Née d’un désir d’autonomie alimentaire et de diversification, leur exploitation agricole est d’abord une érablière, avant que le couple y ajoute un petit élevage de porc. Les carcasses et l’eau d’érable sont transformées sur place, et les produits sont vendus dans les marchés publics. Des jardins et d’autres animaux de basse-cour assurent une subsistance pour le couple et ses deux enfants.

Lorsque vient le temps d’obtenir la certification biologique pour leurs productions, ils ont une surprise.

«C’est notre auditrice de certification biologique, après trois heures d’audit, qui nous a dit qu’on cadrerait dans le Regenerative Organic Certified (ROC) à cent milles à l’heure», explique Valentin, rejoint au téléphone en compagnie de Luce-Maude.

ROC érablière bio
ROC érablière bio

Alléguer ou certifier?

Les allégations entourant l’agriculture «régénératrice» sont à la mode depuis quelques années: McCain, General Mills, Nestlé et d’autres multinationales proposent désormais des produits alimentaires dont on vante les méthodes de culture, qui seraient plus douces pour les sols et la biodiversité. Mais au contraire du bio, il n’existe pas de cadre légal pour l’utilisation de ce terme.

«On s’est posé des questions sur les termes valorisants, ajoute Valentin. Il y en a qui se disent presque-bio, écoresponsable, local, on peut se mettre à en inventer, des termes, mais ça ne veut rien dire.»

Il y a toutefois des façons d’y voir plus clair pour les consommateurs. C’est le but de l’organisation américaine Regenerative Organic Alliance, qui offre depuis 2019 une certification appelée Regenerative Organic Certified, ou Certifié biologique régénératif, en français. C’est ainsi que la ferme a reçu la certification ROC l’année dernière pour sa production acéricole, avec l’objectif de faire certifier sa production porcine dans la prochaine année.

Des actions pour protéger le sol et la vie

En gros, être certifié ROC demande de poser des gestes concrets: faire l’inventaire de la flore sur sa terre, réaliser des tests de sols, conserver et restaurer les forêts, les cours d’eaux et les milieux humides naturels, employer des cultures de couverture, viser l’autonomie pour les fertilisants (comme le compost) et limiter l’emploi des pesticides – même ceux qui sont permis en régie biologique –, bien traiter les animaux et s’assurer du respect des droits des travailleurs.

Environ la moitié des entailles du Québec sont sous régie biologique; le sirop d’érable est de loin la production avec le plus de superficies bio au Québec. Le couple cherchait donc à aller plus loin.

«Souvent, on trouve que la norme biologique est un minimum. Le ROC nous a intrigués et motivés. On s’est dit que ça allait nous faire un défi!»
Luce-Maude Gendreau

Sous la canopée des grands érables qui peuplent le Domaine Vert Forêt, le changement est visible immédiatement: le sous-bois de l’érablière de Luce-Maude et Valentin est couvert de plantes arbustives, alors que dans les érablières plus conventionnelles, on coupe toutes les repousses au sol pour laisser la place aux arbres productifs.

«Certains diraient peut-être que c’est malpropre, que ça fait dur, lance Valentin en riant. Mais nous, on a une autre vision. C’est super important pour la biodiversité. On perd clairement du rendement, mais on ne serait pas bien à opérer autrement.»

Et nulle part est-il question de se servir de la certification pour dénigrer leurs voisins, dans cette région où les érablières ont tendance à être gigantesques, avec plusieurs dizaines de milliers d’entailles chacune. «Ce n’est pas pour se sentir meilleur que les autres, c’est juste pour montrer que ça peut se faire», fait savoir Luce-Maude.

La prochaine étape pour la ferme? Établir des champs pour cultiver à même la terre la nourriture pour les cochons. «Le but, c’est de changer le monde à notre hauteur», résume-t-elle.

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