Savoir déguster le sirop d’érable - Caribou

Savoir déguster le sirop d’érable

Publié le

06 avril 2024

Texte de

Julie Francœur

Il est vendu en quatre couleurs, selon le goût. Mais comme le vin, le sirop d’érable présente de nombreuses subtilités. Immersion dans l’univers aromatique fascinant de cet or liquide auprès d’un maître sommelier devenu acériculteur.
Crédit: Marc Plamondon
Il est vendu en quatre couleurs, selon le goût. Mais comme le vin, le sirop d’érable présente de nombreuses subtilités. Immersion dans l’univers aromatique fascinant de cet or liquide auprès d’un maître sommelier devenu acériculteur.
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Pier-Alexis Soulière est l’un des 13 300 producteurs de sirop d’érable du Québec. Installé dans la Sucrerie du curé, à Saint-Pierre-Baptiste, dans le Centre-du-Québec, il entaille des centaines d’arbres pour en récolter la sève à la chaudière. Un savoir-faire en perdition, qui ne concerne que quelques acériculteurs au pays et qu’il tente de préserver. «Il y en a qui me disent que je suis fou. Seulement 2% de la production est encore faite à la chaudière, parce que c’est beaucoup de travail», raconte-t-il.

En 2019, le sommelier retournait dans son village natal pour fonder son entreprise, P-A Soulière Sélection, après avoir parcouru la planète et décroché le titre du meilleur sommelier du Canada et des Amériques.

«Le sirop d’érable était dans ma vie avant le vin. Ça fait cinq générations que ma famille en fait. Je n’en ai jamais acheté et je n’en ai jamais manqué. Avec le temps, je me suis rendu compte que ce n’était pas le cas de tout le monde», raconte-t-il.

Son projet? Ranimer les saveurs du passé, que sa génération a très peu connues: un sirop traditionnel, plus épais, plus goûteux et plus long en bouche.

Pier-Alexis Soulière | Crédit: Isabelle De Blois

Du sirop, c’est du sirop?

Si, faute de fermentation alcoolique, le sirop n’a pas la complexité du vin, il fournit toutefois au producteur le terrain d’expérimentation qu’il cherchait. «Il y a des gens qui disent “du sirop, c’est du sirop”, et, d’une certaine façon, ils ont raison. Mais quand tu utilises les méthodes traditionnelles, ça crée des sirops d’érable moins standardisés, plus imparfaits, avec davantage de relief. Ce n’est pas plus ou moins bon que celui fabriqué de la manière moderne, c’est juste… différent!» décrit-il.

Depuis 1995, le sirop d’érable est classé en fonction de sa couleur dans les entrepôts des Producteurs et productrices acéricoles du Québec. Un système unique au Québec pour classer le sirop d’érable a également fait son apparition en 2016. Chaque baril fait l’objet d’une évaluation de la saveur. Le sirop «doré» est reconnu pour sa légèreté et sa délicatesse, et l’«ambré», pour son goût riche. De son côté, le sirop «foncé» est renommé pour ses notes plus robustes, et le «très foncé», pour son goût prononcé qui ressemble à celui de la mélasse. Chacun appelle à un usage différent.

Fin connaisseur, M. Soulière estime que la durée d’évaporation sert à prédire la couleur du sirop. «Plus l’eau sera sucrée, moins elle bouillira longtemps, et plus le sirop sera blond», explique-t-il. L’osmose inversée, une technique de filtration utilisée par plus de 90% des producteurs qui vendent leur sirop en vrac ou à des intermédiaires, permet de réduire le temps passé à la bouilleuse.

La période de récolte y joue aussi pour beaucoup. «Dans le meilleur de la saison, l’eau d’érable est particulièrement sucrée, ce qui fait en sorte qu’elle n’a pas le temps de caraméliser. Ça crée un goût d’érable très pur», ajoute M. Soulière.

Par-delà la couleur

On peut se fier à la couleur pour déterminer la saveur d’un sirop produit de la manière habituelle. Toutefois, il est également évident que l’artisan et les méthodes pour lesquelles il opte comptent dans l’obtention d’un certain profil de goût, rappelle l’acériculteur.

«C’est comme en cuisine. Les très grands chefs sont capables de véhiculer une émotion ou une intention dans leurs plats.»
Pier-Alexis Soulière

Le choix de la technique de récolte, par exemple, influence subtilement le produit final. «Si tu utilises un système de tubulures anaérobie pour collecter ton eau, ton sirop sera plus fruité que si tu prends la chaudière. Un peu comme une pomme qui change de goût une fois la chair en contact avec l’oxygène.»

Des chercheurs québécois croient eux aussi que des facteurs autres que la couleur peuvent orienter la saveur de l’or liquide. De ce nombre, Marie Filteau, professeure à la Faculté des sciences de l’agriculture et de l’alimentation de l’Université Laval, est d’avis que le microbiote de l’eau d’érable a un effet direct sur son goût.

«Le goût du sirop d’érable reste l’un des mystères les mieux gardés de la nature. Mais nous avons trouvé que les micro-organismes naturellement présents dans la sève sont associés à différentes flaveurs fortement appréciées des consommateurs. Les priorités de l’industrie portent actuellement sur des besoins plus pressants que l’éventualité d’établir des appellations d’origine contrôlée. Je demeure toutefois persuadée qu’il serait possible d’en développer sur la base de différences qu’on trouve, par exemple, dans la composition microbienne de la sève d’une région à l’autre.»

«Il y a encore beaucoup de choses à explorer avec le sirop d’érable», conclut M. Soulière.

Des suggestions d’Érable du Québec

  • Dégustez le sirop doré avec du yogourt ou de la crème glacée.
  • Intégrez l’ambré aux vinaigrettes ou nappez-en simplement un dessert.
  • Utilisez le foncé dans les préparations à base de fruit.
  • Ajoutez le très foncé aux sauces ou aux laques.
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