Katerine-Lune: Tu n’as donc pas une bonne opinion des cours qui sont donnés aux futurs cuisiniers?
Sébastien: Je resterai évasif…
Katerine-Lune: Ça répond à la question!
Sébastien: La première chose à faire pour améliorer les programmes, ce serait d’enseigner la cuisine canadienne et québécoise en plus des cuisines italienne ou française…
Étienne: Ces cuisines ont toute une histoire, mais qu’est-ce qu’on enseignerait sur la cuisine québécoise? Selon moi, la cuisine traditionnelle d’ici n’a jamais été bien définie. À part la poutine, le pâté chinois, la tourtière, c’est quoi?
Alex: Je ne suis pas d’accord! Nous aussi, on a une histoire. Énorme, même! C’est juste qu’on ne la connaît pas. Et elle est répertoriée: il faut seulement qu’on se donne la peine de la découvrir.
— Et des plats traditionnels, le Québec en possède-t-il?
Alex: Le plat traditionnel qui a été le plus répertorié au Québec, c’est un plat de petits oiseaux. Un ragoût, qui pouvait être à l’étourneau par exemple. Le corbijou, un oiseau migrateur qui goûtait le bleuet parce qu’il s’en nourrissait, a aussi été populaire. Et l’épice la plus souvent mentionnée à travers l’histoire culinaire du Québec, c’est la sarriette.
— Pourquoi ne connaît-on plus ces produits?
Alex: La gastronomie appartient aux régions, mais comment mettre de l’avant les produits de chacune d’elles alors même qu’elles sont en train de se vider? Le transport est aussi un problème. Je peux envoyer du stock de Montréal à Toronto en moins de 12 heures, et j’ai 8 ou 10 options par jour pour le faire. Mais pour livrer des régions éloignées vers les grands centres urbains, les choix sont très limités. La question du transport est fondamentale.
— Croyez-vous que le Québec possède des rituels culinaires qui lui sont propres?
Alex: Tellement! Au Québec, on a une manière particulière d’apprêter la viande ou le poisson. On connaît des techniques de conservation qui sont pour nous des outils. Mais parfois, je me dis qu’il faut arrêter de vivre dans le passé, parce que le présent aussi a une valeur. Par exemple, la nouvelle immigration, au Québec, permet un métissage d’une grande richesse. Ce que j’aimerais, c’est qu’on soit une société vivante: qu’on se nourrisse des idées anciennes, mais qu’on construise aussi autour de notre présent. J’ai envie que nos petits-enfants se disent: «Dans le temps de nos grands-parents, c’était hot. Ils n’ont pas passé leur vie à chercher ce que faisaient leurs ancêtres, ils savaient où ils allaient!»
Étienne: C’est vrai que notre génération a développé des rituels : aller au marché, cuisiner avec les enfants… Et dans mes cours de cuisine, j’encourage les gens à les perpétuer.
Alex: Ça aussi, ça fait partie d’une gastronomie. Comme société, on aime pique-niquer, on aime aller prendre une bière, on aime recevoir… Ce sont des rites sociaux, et il faut construire avec ça.