100 ans à table: un repas historique - Caribou

100 ans à table: un repas historique

Publié le

09 janvier 2018

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Plus grand que la panse
Imaginé par la critique et journaliste Lesley Chesterman et réalisé par Guillaume Sylvestre (Durs à cuire), le documentaire 100 ans à table, présenté ce jeudi sur les ondes de Télé-Québec rassemble autour d’une même tablée neufs chefs ayant participé chacun à leur façon à la naissance d’une gastronomie bien québécoise. Pour l’occasion, Marcel Kretz (La Sapinière), Normand Laprise (Toqué!), Martin Picard (Au Pied de Cochon), Daniel Vézina (Laurie Raphaël), Jean-Paul Grappe (Institut de tourisme et d’hôtellerie du Québec), Anne Desjardins (L’Eau à la bouche), Charles-Antoine Crête (Montréal Plaza), Colombe St-Pierre (Chez St-Pierre) et Hugues Dufour (M. Wells Steakhouse) préparent et présentent leurs plats signature qui servent de points de départ pour raconter l’histoire de l’émancipation et de l’évolution de la cuisine québécoise. Caribou a rencontré l’instigatrice de ce repas historique, Lesley Chesterman. Texte de Geneviève Vézina-Montplaisir Photos de Karine Dufour Pourquoi faire un documentaire sur l’histoire de l’indépendance culinaire du Québec? C’est quelque chose dont j’ai été témoin et que j’avais envie de partager. Je souhaitais faire connaître les coulisses de cette petite révolution et ses acteurs. Quand j’ai commencé mes études à l’ITHQ en 1988, tous les chefs des grands restaurants étaient Français et ils cuisinaient qu’avec des produits importés. En 1989, je me souviens que mon collègue de classe Pasquale Vari m’avait dit: «Il faut aller manger au restaurant Citrus, le chef est Québécois.» Je me souviens d’avoir dégusté un plat de foie gras aux bleuets! C’était très québécois et unique comme restaurant. Normand Laprise a tout changé. Ç’a été le début de l’émancipation des chefs québécois. Pour moi, la gastronomie québécoise est née quand on a assisté à cette passation de flambeau entre les chefs français et les chefs québécois. En partageant cette histoire à travers le documentaire, j’avais aussi eu envie de régler une fois pour toute la question: «Est-ce que ça existe la cuisine québécoise?» Mais oui elle existe, et ça me rend folle que les gens se posent encore la question! À l'arrière: Hugues Dufour, Daniel Vézina, Martin Picard, Charles-Antoine Crête, Normand Laprise À l'avant: Anne Desjardins, Marcel Kretz, Jean-Paul Grappe, Colombe St-Pierre Comment s’est fait le choix des chefs qu’on retrouve autour de la table? Je trouvais important que les trois générations de chefs qui ont participé à la naissance de la gastronomie québécoise soient réunies. Je tenais à ce que Marcel Kretz soit du nombre car c’était LE grand chef à l’époque. La Sapinière, où il a officié de 1961 à 1990, était une destination gastronomique très prisée. Monsieur Kretz, d’origine alsacienne, a été le premier chef à travailler avec des producteurs locaux et à recevoir l’Ordre du Canada. Malheureusement, il y a plusieurs jeunes chefs qui ne le connaissent même pas! Jean-Paul Grappe, également d’origine française, a été pour sa part chef de plusieurs restaurants et enseignant à l’ITHQ où il a été le mentor de Colombe St-Pierre, Martin Picard et David McMillan, entre autres. C’était pour moi incontournable d’avoir Normand, Daniel et Martin autour de la table, et Charles-Antoine, comme c’est le dauphin de Normand. Hugues, je trouvais intéressant de le faire participer à la discussion car c’est un chef qui du succès ailleurs. Son mentor a été Martin. C’était aussi important d’avoir des femmes, mais Anne et Colombe sont du lot pas parce qu’elles sont des femmes mais pour leur apport respectif à la gastronomie québécoise. Anne a beaucoup fait pour développer le lien avec les producteurs, et Colombe, récipiendaire du prix Renaud-Cyr, fait un travail exceptionnel en région. Est-ce qu’il y a des pans d’histoire que vous avez découvert au fil de vos recherches ou des discussions pendant le tournage? Oui, plusieurs. Étant Montréalaise, je connaissais moins l’histoire de Daniel Vézina qui est de Québec. C’est extraordinaire qu’à l’époque un Français, Serge Bruyère, donne les rennes de sa cuisine à un Québécois. Aussi, je ne savais pas à quel point M. Grappe avait aidé Colombe St-Pierre au début de sa carrière et comment il s’était investi avec ses élèves. Quand j’ai commencé à travailler sur le documentaire, je trouvais ça épouvantable la place que les chefs français avaient occupée à l’époque au détriment des chefs québécois. Mais à la fin, j’ai vu quelque chose d’autre. J’ai réalisé qu’entre les mentors européens et les chefs québécois, il y avait eu un beau transfert de connaissances.
«À New York, tous les grands chefs, ce sont encore des Français: Jean-Georges, Éric Ripert, Daniel Boulud. Au Québec, on a su surpasser ce problème d’être des colonisés en cuisine.» –Lesley Chesterman
Dans le documentaire, Colombe St-Pierre parle du fait que son restaurant «fait moins de 20 000$ par année». Si le Québec peut maintenant se vanter d’avoir une gastronomie qui lui est propre, devrait-il déployer plus d’efforts pour l’aider à la garder bien vivante? Certainement. Normand paie toutes ses dépenses quand il va faire de la promotion de notre cuisine à l’étranger, alors qu’il y a d’autres gens dans d’autres milieux qui sont payés pour aller faire la promotion du Québec. Est-ce qu’on devrait donner une exemption de taxe à un restaurant plutôt qu’à un marchand de souliers? Je ne pense pas, la restauration étant une industrie comme les autres, mais je pense qu’on devrait la valoriser davantage. Je trouve que les chefs québécois sont sous-estimés. L’effet qu’ils ont sur le tourisme, c’est fou! On n’aime pas assez nos restaurants! Il y a un grand manque de fierté et un complexe d’infériorité chez les Québécois. Je crois qu’on a une cuisine extraordinaire, mais on a beaucoup de misère à le dire haut et fort et en faire une fierté nationale qu’il faut appuyer. 100 ans à table Il est maintenant possible de le visionner sur la Zone vidéo de Télé-Québec (En rediffusion à la télé: dimanche 14 janvier à 20h, mercredi 17 janvier à 22h)  
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