Souper à l’italienne chez les Faita
Publié le
19 juillet 2021
Notre imaginaire collectif est peuplé d’images très fortes de la famille italienne et de ses soupers animés où les plats se succèdent sous le regard bienveillant mais strict de la mamma. Entrevue autour de la table avec une famille italienne bien connue des Québécois, les Faita, avec qui nous avons partagé un moment privilégié (avant la COVID-19!), de la préparation du repas à sa dégustation.
Texte de Geneviève Vézina-Montplaisir
Photos de Daphné Caron
Autour de la table | ||
Stefano Faita: chef, entrepreneur, auteur, animateur, propriétaire des restaurants Impasto, Pizzeria Gema et Chez Tousignant, dans la Petite Italie, à Montréal Isabelle Lemme: comédienne, conjointe de Stefano Elena Faita: mère de Stefano, copropriétaire de la Quincaillerie Dante et de l’école de cuisine Mezza Luna, dans la Petite Italie, à Montréal Mathieu Faita: père de Stefano Rudy Vendittelli: oncle de Stefano et copropriétaire de la Quincaillerie Dante Carmela Vendittelli: femme de Rudy et tante de Stefano | ||
On a tous une vision romancée de ce qu’est un souper de famille chez des Italiens. Pourquoi croyez-vous que cela fascine autant les gens?
Stefano: Vous allez être déçus… Non, je plaisante! Ça a peut-être à voir avec les scènes de repas dans des films cultes comme The Godfather ou Big Night.
Isabelle: Moi, je pense que c’est parce que les Québécois n’ont pas toujours été si épicuriens que ça. Pour eux, manger, c’était utilitaire. Ils ne le faisaient pas juste pour le plaisir. Tandis que chez les Italiens, le repas est associé au plaisir de partager un moment avec sa famille. Il y a toujours quelque chose de très festif dans les repas italiens, et ça marque les esprits.
Rudy: Pour nous, les Italiens, la famille, c’est très important. Ça fait partie de notre culture de passer des moments ensemble pour discuter.
Isabelle: Et on fait toujours ça… en mangeant!
Et quand vous vous faites des soupers de famille, que mangez-vous?
Elena: Je fais du veau, des pâtes ou de la lasagne. Ma lasagne aux boulettes, c’est toujours ce que je concocte quand je reçois à Noël. Martin Picard [chef et propriétaire du restaurant et de la cabane à sucre Au pied de cochon], qui est déjà sorti avec ma fille et qui fait toujours un peu partie de la famille, m’a déjà appelée pour que je montre à Michaël, son chef du restaurant Au pied de cochon, comment la faire.
Rudy: Le 24 décembre, c’est moi qui reçois et qui cuisine. Je fais un menu sans viande, c’est la tradition! Je fais des salades froides de morue, de pieuvre, de crevettes, des langoustines grillées, une pâte aux anchois.
Qui cuisine? Comment cela se passe-t-il? Y a-t-il parfois de la chicane?
Que ce soit chez nous, chez ma mère ou chez le père d’Isabelle, je me retrouve toujours dans la cuisine à un moment donné. Et c’est la même chose pour ma mère quand le souper a lieu ici. On a ben de la misère à laisser aller!
Stefano Faita
Elena: Quand je suis en cuisine avec mon fils, on ne se chicane pas du tout. Je fais plus d’histoires quand je vais en Italie chez ma fille, parce qu’on n’a pas les mêmes façons de travailler. On ne peut pas être toutes les deux en même temps dans la cuisine.
Stefano: Elena et moi, on a donné des cours de cuisine pendant dix ans ensemble. Dans une cuisine, on connaît nos pas, comme dans un ballet. On est capables de faire demi-tour sans se rentrer dedans.
Avez-vous l’impression que les traditions culinaires se transmettent davantage dans les familles italiennes que dans les familles québécoises, qu’elles revêtent une plus grande importance?
Elena: Dans mes cours, je vois beaucoup de jeunes Italiens à qui les parents n’ont pas enseigné à cuisiner. Ils me disent: «Elena, ma mère faisait cette recette, je veux l’apprendre!»
Stefano: Souvent, la mamma italienne de la génération de ma mère va tout faire toute seule en cuisine. Au lieu de te montrer à cuisiner, elle le fait pour toi. Par contre, ce n’est pas le cas dans la famille de ma mère: ses frères savent cuisiner aussi bien que ses sœurs.
Elena: On a tous appris avec ma mère.
Stefano: Elena a fait la même chose. Le dimanche matin, elle faisait de la bouffe, et on l’aidait.
Elena: Attention, là, ce ne sont pas tous les hommes italiens qui cuisinent! La femme prend beaucoup plus de place que l’homme dans la cuisine italienne. Mon mari, lui, n’a jamais cuisiné.
Selon vous, pourquoi la cuisine italienne fait-elle maintenant partie des traditions de plusieurs familles québécoises?
Rudy: Ce n’est pas pour nous vanter, mais la cuisine italienne, c’est une cuisine populaire. Le sens de l’improvisation, on l’a vraiment. Avec des pâtes, on peut faire mille affaires.
Stefano: C’est aussi une cuisine qui est basée sur les ingrédients plus que sur les techniques.
Elena: Aujourd’hui, il y a plus de Québécois que d’Italiens qui font des pâtes fraîches. C’est à eux que je vends le plus de machines à pâtes à la Quincaillerie.
Stefano: J’ai l’impression qu’on a été capables de partager notre culture à travers notre nourriture. On est entrés dans les familles québécoises par la panse!
Rudy: Et les Québécois ont aimé notre cuisine. Elle est réconfortante, un peu comme la cuisine québécoise traditionnelle.
Une version longue de cette entrevue est parue dans notre numéro 9 FAMILLE au printemps 2019 et dans les pages du quotidien Le Devoir le 5 juin 2021.