Depuis le début de l’année, pour différentes raisons, je n’ai pas vu le temps passer. La COVID a certes imposé sa propre réalité. Mais nous sommes à notre quatrième millésime, et comme mon ami Normand Guénette me l’a souvent dit, ça décolle un peu plus à ce moment-là. Jumelez ça avec une nouvelle image de marque du vignoble et des bouteilles, et vous avez une période intéressante.
Un texte de Sébastien Daoust, vignoble Les Bacchantes
8 août 2020. Loin de m’en plaindre, le temps me manque. Certaines idées sont repoussées à plus tard. Le millésime 2019, embouteillé à la fin juin, s’est vendu comme des petits pains chauds. Il ne reste plus de blanc, plus de rosé. On attend le pinot noir, mais ça ne durera pas non plus. On se permet même de fermer la boutique du vignoble pour prioriser l’approvisionnement de nos collègues en boutiques spécialisées.
Et tout ça continue d’entrer. Des commandes et des commandes. Alors quand mes amis d’ILOT stratégie + gestion de marque m’ont demandé de les accompagner pour aller à Alma rencontrer l’équipe de la microbrasserie Riverbend, j’ai hésité. J’avais dix mille choses à faire. D’un autre côté, le mois d’août, c’est le dernier droit. Il n’y a plus grand-chose à faire dans le vignoble. Même Jérémie, mon œnologue, et Raphaël, mon agronome, prennent congé.
Puis, j'ai pensé qu'une des choses que je trouvais détestable lorsque je travaillais dans des bureaux à Montréal, était l’entêtement des directions à parler d’innovation, mais de ne jamais accepter qu’on aille voir d’autres réalités, d’autres industries.
Puisque se présentait cette belle opportunité, justement, de voir un peu comment ça se passe ailleurs, on est monté à Alma, rencontrer Sébastien Morasse, le copropriétaire et maître-brasseur. Quelle réalité différente de celle du vignoble! Les Bacchantes, c’est tranquille. Mes collègues du Mexique sont quelque part dans le champ, Serge est sur le tracteur. Je suis dans le chai ou sur la route. C’est calme. Un peu trop parfois.
Mais à la micro Riverbend, tout bouge. Les produits entrent en cuve, sortent, sont encannés. Le camion arrive, et ça continue comme ça à tous les jours.
Et c’est chaud et humide! Ça, j’avoue, je ne m’y attendais pas. Il y a plus de contrôles automatisés. On comprend qu’il y a un grand équilibre nécessaire dans la bière.
Je me sentais donc très choyé que notre hôte ait pris le temps de nous rencontrer. Dans un coin à part, entourés d’une centaine de fûts ayant contenu des gins, cabernets sauvignons et xérès, nous nous sommes régalés d’une dégustation de bières en élevage. Des tests, des goûts fantastiques, une dégustation vin et bière qui, malgré ce que l’on peut en penser, ont des synergies très intéressantes. Et des idées qui venaient de l’ensemble hétéroclite autour de la table. J’étais entouré de gens qui en avaient beaucoup.
J’aurais aimé avoir avec moi tous mes superviseurs, de l’époque où j’étais consultant, qui n’avaient pas le temps et ne voyaient pas l’importance de s’inspirer ailleurs que dans nos cubicules.
Je me rappelle d’une discussion avec un directeur, dans le cabinet de gestion pour lequel je travaillais. Je lui avais proposé de dépêcher une personne pour aller voir SXSW.
«Mais on n’est pas dans l’industrie visée par SXSW», m’avait-il dit.
«Effectivement, et ce n’est pas en réunissant des gens qui pensent tous de la même façon que nous allons penser autrement», lui avais-je répondu. C’était peine perdue: quand l’innovation est le nom d’un département, on comprend qu'elle n’est pas au cœur de la culture d’entreprise. Pas plus que l’informatique ou la comptabilité.
Quand je suis revenu de ce petit périple à Alma, je me suis senti inspiré. J’ai plusieurs projets en tête maintenant. Mais le temps m’a rattrapé.
Déjà la véraison dans le marquette! Le raisin tourne du vert au rouge. Ça, ça veut dire que les vendanges arrivent rapidement – c’est une question de jours maintenant.
Les projets attendront.
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