Nos microbrasseries travaillent plutôt, pour la très grande majorité, comme des boulangers ou des pâtissiers. Ils reçoivent donc les céréales et les aromates souhaités partiellement préparés par des spécialistes. Jusqu’à tout récemment donc, en Amérique du Nord comme dans presque toute l’Europe occidentale, le phénomène de la ferme brassicole faisait partie d’histoires centenaires, pré-Guerre mondiale.
Les pionniers du Lac-Saint-Jean
La famille Hébert, installée aux abords du village de Saint-Félicien depuis six générations, cultive l’orge brassicole, le blé et le sarrasin pour leur microbrasserie: La Chouape. Une véritable ferme brassicole, quoi. Rares sont les brasseries du genre en Amérique qui cultivent leur céréale pour la bière, et encore moins en régie biologique comme cette inspirante équipe dont on peut déguster les bières à leur salon de dégustation avec terrasse sur la rivière Ashuapmushuan.
De l’épandage de cendre de bois provenant de la cogénération de Saint-Félicien – un amendement naturel aidant à équilibrer le pH du sol – à la plantation de l’orge de brasserie, les cultivateurs de La Chouape doivent toujours se croiser les doigts pour profiter d’un bel été. Cinquante acres de terres en mode agriculture durable sont utilisées ici; c’est-à-dire qu’une parcelle de champ ne peut produire de l’orge qu’à tous les quatre ans. La famille doit donc cultiver annuellement quatre fois la surface de ce champ pour avoir une récolte d’orge satisfaisante. Le tout est fait sans produits chimiques, pesticides, fongicides et herbicides. Un travail colossal que seulement une poignée de brasseries artisanales au monde daignent entreprendre, et pour cause. Après tout, combien de boulangeries, de pâtisseries, de bistros de quartier oseraient devenir directement responsables de leurs ingrédients principaux?