J’ai fait trois entrevues radio, et une parution dans un grand quotidien à ce sujet. Et la question qui revient, c’est à savoir si ça va affecter la qualité du raisin. La question est bonne: je me la posais régulièrement auparavant. Et avec le temps, la réponse n’est pas aussi claire qu’on pourrait le penser. Et ma réponse est celle de mes collègues, lors de cette journée de rencontre.
«On est fatigué, mais on va s’en sortir.»
Oui, l’humidité, amène une pression fongique sur nos feuilles et raisins. Oui, l’eau a tendance à lessiver les produits phytosanitaires de protection. C’est encore plus vrai pour les gens qui sont en bio (ou en conversion bio, comme nous). Mais la question d’un vigneron n’est pas de regarder le tout béatement, en maudissant le ciel. La question du vigneron est: «Qu’est-ce que je dois faire pour sauver la qualité de ma récolte.» Le vigneron devient un tacticien émérite. Chaque journée de soleil devient une opportunité à exploiter. Je regarde Geneviève, ma cheffe de culture, et Loïc, notre nouveau maître de chai, et ils optimisent à chaque jour chaque heure sans pluie. C’est difficile, ça demande de la flexibilité énorme. Et ce sont des longues heures à pulvériser les vignes. Parce que bien des gens pensent encore qu’en culture bio, on n’utilise aucun fongicide. C’est faux: on utilise des fongicides bio. Nuance! Ces fongicides ne restent pas très longtemps sur la vigne, car ils se font lessiver rapidement par la pluie. Donc tout est à recommencer. La qualité du raisin est compensée par des jours et des jours de travail additionnel. La fatigue s’installe.
Et pour toute personne ayant travaillé avec des machines, vous savez que plus on utilise de façon intense un appareil, plus il risque de briser. L’équipe doit donc composer non seulement avec le mauvais temps, mais avec une machinerie (tracteur, pulvérisateur) qui brise de plus en plus facilement. Notre mécano, Raymond, est sur site presque à chaque semaine depuis le début de l’été.
Mais bref, on s’en sort. On voit des traces de champignons (mildiou, principalement) à certains endroits, mais on n’a pas perdu le contrôle. On s’en sort. Ce n’est pas gagné, mais à partir de la mi-août, pulvériser ne mène presque plus à rien. Les oiseaux, les ratons-laveurs, les guêpes vont devenir notre priorité. Ça fait du bien de s’inquiéter d’autres choses.
«On est fatigué, mais on va s’en sortir.» Il va y avoir du raisin. Il va être beau.
Mais combien de sulfite allons-nous ajouter?
Ne partez-nous pas sur la question!