Publié le
03 avril 2024
Texte de
Caribou
— Comment l’idée d’une certaine autonomie alimentaire est-elle arrivée dans votre vie?
Mes parents valorisent depuis toujours le savoir-faire: ils réparent et fabriquent les choses eux-mêmes, cuisinent beaucoup, achètent peu de choses. Ce parcours récent vers l’autonomie alimentaire est donc quelque chose qui ne m’est pas étranger, à certains égards.
Il y a ensuite la volonté de réduire notre empreinte écologique, d’être moins dépendants des grands systèmes alimentaires et de se rapprocher de la nature. Ç’a entraîné des petits gestes, comme faire quelques semis ou faire notre propre pain.
Finalement, C’est plus qu’un jardin est arrivée par hasard dans nos vies, en 2020, en même temps que la pandémie. C’est parti du désir de fédérer la famille autour d’un projet qui a du sens, alors qu’on était cloîtrés dans un chalet sans travailler, avec des enfants qui voulaient s’entretuer! Accompagnés de maraîchers comme Jean-Martin Fortier et Dany Bouchard, des vulgarisateurs passionnés et passionnants, on a complètement embarqué dans cette quête-là.
— Sans cette conjoncture, auriez-vous finalement acheté une terre en Estrie et entamé trois projets agricoles de front, comme on le voit dans la quatrième saison?
C’est sûr que non! Jamais je n’aurais imaginé avoir un jour un potager de 100 pieds par 100 pieds, une forêt nourricière et un carré de protéines végétales à entretenir! Mais à mesure qu’on avançait, je me suis sentie capable et légitimée d’entreprendre un projet pareil. Même si, encore à ce jour, on n’a jamais réussi à manger une seule tomate de nos jardins, on réussit autre chose, on apprend, et je trouve qu’on fait de grands pas dans la direction qu’on vise.
— Dans les saisons précédentes, on vous voit aux balbutiements de ce rêve, sur un petit terrain très ombragé dans les Laurentides, puis dans votre cour, à Montréal. Quelles leçons avez-vous tirées de ces premiers apprentissages?
Atteindre l’autosuffisance, c’est un objectif immense. On a vite compris que de l’atteindre de façon partielle, c’était un défi à notre portée. Dans C’est plus qu’un jardin, on apprend de professionnels dont le métier exige de la rigueur et du rendement. Mais nous, comme famille, on doit transposer toute cette connaissance dans notre réalité, dans quelque chose de plus accessible.
On a aussi constaté que l’autonomie peut passer par autre chose que de faire pousser des carottes: j’ai perfectionné mes connaissances en poterie et aujourd’hui, tous les bols dans lesquels on mange, c’est moi qui les fais. On a pris conscience des petits gestes qu’on peut poser dans l’objectif d’une plus grande autosuffisance, sans pour autant viser l’autarcie.
Toute une communauté doit se créer autour de ce principe pour qu’il gagne du terrain, et c’est grâce à l’échange que chaque famille réussit à se rapprocher un peu plus de sa propre autonomie.
— Qu’est-ce qui vous permet de ne pas vous décourager devant l’ampleur de la tâche?
Il faut y trouver du plaisir. On a tout de suite ressenti une énorme satisfaction dans le geste quotidien: celui de semer, de mettre nos mains dans la terre, de voir des choses pousser – ou pas! –, de manger ce qu’on produit. Quand je vois ma fille cueillir des framboises le matin en pyjama, je me dis: «J’ai réussi ça». C’est à la fois simple, joyeux et puissant.
— Quels ont été, pour vous, les plus gros défis de la quatrième saison de C’est plus qu’un jardin?
On a acquis la terre sans savoir qu’on ferait une autre saison, avec en tête les trois projets agricoles qu’on voit dans l’émission. C’est sûr que sans la série, on n’aurait pas tout fait en même temps aussi rapidement, parce que c’était un peu intense. Mais on l’a fait, au grand dam de nos enfants!
Un des gros défis était justement cette adversité: même si nos ados comprennent bien pourquoi on le fait, ils n’ont pas du tout envie d’un retour à la terre, et on doit lutter pour les extirper de la ville! Quoique ma plus jeune, qui a six ans, nous a dit qu’elle veut sa propre planche dans le jardin cette année. Elle a fait sa liste: melon d’eau, concombre, fenouil… Alors on ne sait pas trop ce qu’ils vont en retirer, mais au moins, ils nous auront vus concrétiser un rêve.
— La dernière saison se termine dans un désir de continuité. Quelle est la suite pour la famille Bilodeau-Cochrane?
Pendant la saison 4, on est accompagnés notamment par Marie Thévard, la fille de Marie-Thérèse Thévard, cette femme extraordinaire du Saguenay qui, en appliquant notamment la méthode du non-travail du sol dans ses jardins, réussit à nourrir cinq adultes à l’année. On a beaucoup aimé cette technique; elle a donné des résultats extraordinaires dans notre carré de protéines végétales. Encore en avril, on mange des courges et des légumineuses de l’été dernier. Cette année, on va appliquer cette méthode à l’ensemble de nos jardins.
On souhaite aller de plus en plus vers des vivaces, comme des petits fruits, des aromates. On va continuer à planter un potager, mais on aime se nourrir sans avoir à repartir de zéro tous les ans. Ça nous a aussi pris quatre ans pour comprendre qu’il faut planter les choses qu’on aime manger et qu’on sait cuisiner. J’ai planté plein de bettes à carde, mais j’ai beau suivre des recettes, je n’y arrive pas! Alors il n’y en aura pas cette année!
— Si «c’est plus qu’un jardin», alors c’est devenu quoi, pour vous, après quatre saisons?
C’est bien plus qu’un jardin; je dirais que c’est quasiment un autre enfant! Ça demande beaucoup de soins et d’amour, ça nous prend de l’énergie tout en étant très énergisant. C’est devenu une part importante de notre vie et c’est quelque chose qui va durer, j’en suis convaincue.
La quatrième saison de C’est plus qu’un jardin, avec Édith Cochrane, Emmanuel Bilodeau et toute leur famille, est à voir les jeudis à 20 h sur Unis TV et en rattrapage sur TV5Unis.