S’ennuie-t-elle du droit? «Des collègues, surtout, avec qui je m’entendais vraiment bien, et que je visite de temps à autre lorsque je fais des livraisons sur Montréal.» Mais pas tant pour le reste. En blague, je lui mentionne: «Le salaire?». Ça ne semble pas lui avoir effleuré l’esprit, elle semble surprise, pour finalement superposer ça avec le mode de vie qu’imposait la carrière d’avocate.
Je lui demande si son expérience en droit lui sert dans sa nouvelle vie: «Quand tu as un dossier de litige, tu dois comprendre rapidement les gens, leur réalité, leur industrie pour bien les représenter. Il faut être capable d’absorber rapidement tous les concepts en jeu. Ça a été la même chose dans le chai.»
La serveuse du café profite d’une pause dans notre discussion pour venir remplir ma tasse de nouveau. Par la fenêtre, je vois le mont Yamaska et les longs rangs de pommiers qui en jonchent les flancs. Trois travailleurs profitent du redoux pour continuer la taille des pommiers. Ça taille un peu, ça parle beaucoup.
Où en sont rendus Les Artisans du Terroir?
Des gammes classiques «Daumeray» et «Prémices», Isabelle a senti le besoin d’explorer ce que son terroir pouvait donner. «J’ai décidé d’y mettre de ma couleur», dit-elle, en riant. Elle se sent assez confiante pour jouer avec ce que la nature lui donne. Le saint-éépin, notamment, se devait d’être valorisé autrement selon elle, idem avec le vidal et la petite-perle. Elle développe donc ce qu’elle appelle ses «cuvées spontanées», qu’elle limite à des cuves de 2000 litres, avec des noms comme « a Bronzette», «Le Carré de Blanc», «Les Ondées», «Les Comparses» et «Les P’tits Tannants». Ce sont des cuvées d’inspiration, qu’elle peut décider de ne plus refaire, selon le millésime.
D’ailleurs, qui sont les p’tits tannants? Juste à lui poser la question, et à voir son regard, on devine qu’ils lui en font voir de toutes les couleurs. «Ce sont mes neveux, les trois petits “monstres” de mon frère: ils ont l’énergie de leur âge, testent un paquet d’affaires, dit-elle affectueusement. Et, quand j’ai goûté la première fois le vin qui porte en quelque sorte leur nom, je trouvais que ça me ramenait à l’enfance. Pas que je buvais du vin quand j’étais jeune, dit-elle en riant, mais c’était très juteux comme vin, ça me faisait sourire et ça me rendait tannante comme eux.»
Après six vinifications, elle considère qu’elle a encore beaucoup à explorer. Sa liste des choses à essayer augmente, elle ne diminue pas. Elle pense s’assagir un jour à ce niveau, mais pas pour l’instant. Par contre, elle ne voit pas le besoin de planter d’autres vignes, d’explorer d’autres cépages. «J’ai déjà beaucoup de couleur pour peindre, je n’en ai pas besoin d’autres!»