Alex Kemp: l’hospitalité à la québécoise à Philadelphie - Caribou

Alex Kemp: l’hospitalité à la québécoise à Philadelphie

Publié le

03 avril 2025

Texte de

Sophie Mediavilla-Rivard

Alors qu’il saute du tac au tac de l’anglais au français durant notre entrevue téléphonique et qu’il s’ouvre à moi comme si on se connaissait depuis des années, je comprends vite que le chef Alex Kemp est un gars chaleureux, drivé par sa passion pour la bouffe… et peut-être légèrement hyperactif. Second texte d’une série de portraits sur des Québécoises et Québécois qui rayonnent sur la scène culinaire internationale.
Alex Kemp
Alors qu’il saute du tac au tac de l’anglais au français durant notre entrevue téléphonique et qu’il s’ouvre à moi comme si on se connaissait depuis des années, je comprends vite que le chef Alex Kemp est un gars chaleureux, drivé par sa passion pour la bouffe… et peut-être légèrement hyperactif. Second texte d’une série de portraits sur des Québécoises et Québécois qui rayonnent sur la scène culinaire internationale.
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Le natif de Longueuil a grandi à Hull, puis bougé vers Kingston à l’adolescence. Peu motivé par le système d’éducation traditionnel, il s’envole vers Banff pour travailler au Rimrock Resort Hotel durant deux années. «It’s kind of, you know, all over the place», admet-il d’emblée en référant à son parcours. Il est vrai que malgré qu’Alex entame à peine la trentaine, sa carrière semble déjà si folle que je peine à la résumer en quelques lignes.

À 19 ans, il revient en terrain connu, à Ottawa, pour travailler dans la cuisine du Restaurant 18, où il considère que sa carrière a décollé. Débute alors le chemin de croix de l’aspirant chef, qui le mènera au Incanto à San Francisco, Au Pied de Cochon, puis au sein du groupe Joe Beef. Il y rencontre Marc-Olivier Frappier et Vanya Filipovic, avec qui il décide de se lancer dans le projet d’ouverture du restaurant Vin Papillon. Ayant des fourmis dans les jambes, Alex fera ensuite des allers-retours entre les restaurants étoilés de New York (Eleven Madison Park, Momofuku), ses chers collègues de Montréal et l’appel de tous les possibles du Royaume-Uni. Entouré d’une équipe solide, il y ouvre le Moor Hall Restaurant, tout près de Liverpool, où il est chef de partie. L’établissement sera couronné d’une étoile dès la première année, puis, comme si ce n’était pas assez, d’une deuxième la suivante.

À travers tout ça, et pas du tout épuisé de jongler avec les visas expirés et le succès montant, le Québécois trouve l’amour à New York. Ses prochains projets, il les fera aux côtés de sa douce moitié, la cheffe américaine Amanda Shulman. Le couple nomade, sous des airs de pandémie, commence éventuellement à songer plus sérieusement à la sédentarité.

(Ah, un instant, j’allais oublier le chapitre de deux ans où Alex Kemp se reconvertit en chef privé pour des millionnaires, dont Jay-Z, dans les Hamptons! «Long story», me dira-t-il…)

En 2021, sa femme ouvre un restaurant, le Her Place Supper Club, à Philadelphie. «Comme tu peux le voir avec mon histoire, j’ai beaucoup bougé toute ma vie, partage le chef. Je n’avais pas vraiment de maison. Quand je suis tombé en amour avec ma femme, j’ai su que ma maison serait peu importe là où Amanda se trouverait.»

«Et tu sais, j’aime les aventures aussi», ajoute-t-il. Ah oui? Merci, Alex, j’avais encore des doutes! Bref, il l’a suivie en Pennsylvanie, où il réside depuis. Deux années de consultation dans un hôtel s’en suivent, puis le duo appose enfin la dernière pierre à l’édifice de leur impressionnant curriculum vitae en mai 2023.

«J’ai toujours parlé de ce restaurant que j’allais avoir à Montréal, aux vibes québécoises, où on verse le vin généreusement, on parle fort et sans bullshit», raconte celui qui fait l’éloge de l’hospitalité franco-canadienne en évoquant plaisir, aventure ainsi que la chaleur et de la générosité typiques des maisons de nos grands-parents. «Je sentais que les États-Unis manquaient de tout ça.» Et c’est comme ça que le restaurant My Loup est né, non pas à Montréal, mais au cœur de Philadelphie.

Alex Kemp

Succès instantané

«Ça fait seulement deux ans qu’on a ouvert My Loup et on a eu beaucoup de succès, qu’on parle de récompenses ou de couverture médiatique, souligne Alex. It’s been pretty special, a pretty cool ride.» L’endroit a entre autres été mentionné sur la liste des 50 meilleurs restaurants aux États-Unis du New York Times en 2023 et sur celle des 20 meilleurs restaurants de 2024 du magazine Bon Appétit.

«J’aime penser que ce qu’on fait ici est vraiment spécial.» Selon le chef, l’un des ingrédients du succès de My Loup est le dévouement de son équipe tissée serrée, qui est demeurée la même depuis l’ouverture du restaurant. «Ma plus grande fierté, c’est la qualité de notre personnel et le fait qu’il continue de travailler ici parce qu’on crée un environnement de travail positif et sain.» Cet esprit rassembleur irradie de la cuisine à la salle à manger, où on ne tourne pas autour du pot. «On s’assoit avec les clients, on veut savoir comment ils vont, d’où ils viennent, tout est personnel, martèle Alex. On est des humains, pas des robots!»

«Si tu rassembles un groupe de gens qui aiment les restaurants pour de vrai, alors ton établissement va être spécial. Tout le monde qui travaille ici aime les restaurants, je pense que c’est une chose assez rare.»
Alex Kemp

Au-delà de ce franc-parler et de ce bon vivant qui caractérise l’ambiance de My Loup, l’identité québécoise est très présente sur le menu, qui change tous les jours. «Les produits au Québec sont merveilleux: les fruits de mer, les légumes, la viande… My Loup n’est pas nécessairement un restaurant québécois, mais j’y applique juste tout ce que j’ai appris en cuisinant au Québec. C’est la culture d’utiliser tout l’animal, d’essayer d’éviter les pertes, de tout faire selon la saisonnalité et les produits disponibles à la ferme», explique le jeune chef.

Esprit de famille

Alex Kemp est définitif: il ne quittera jamais Philadelphie. Sa femme et lui ont récemment acheté une maison et songent à ajouter un troisième restaurant à leur collection. Mais surtout, au moment de l’entrevue, ils attendaient une petite fille dans le mois à venir. Aujourd’hui, Alex est le père le plus heureux du monde. «Toutes les villes ont leur magie et peut-être que Philadelphie n’est pas la ville la plus fancy ou la plus cool, mais pour moi, c’est la maison.»

«Philadelphie me rappelle beaucoup les villes du Canada dans lesquelles j’ai travaillé, dans le sens où il y a une communauté en restauration où je sens que tout le monde est super proche et se supporte les uns les autres.»
Alex Kemp

Le Québécois ne tient pas sa passion pour la cuisine d’une grand-mère ou d’une tante. C’est de fil en aiguille qu’il a trouvé sa vocation. «Pour être honnête, ce n’est pas très romantique, mais j’avais besoin d’argent, donc j’ai commencé à être plongeur et je suis tombé en amour avec le milieu, la passion, le feu, l’énergie, les histoires et les gens.»

Même s’il aime évidemment bien manger et bien boire, c’est seulement quand il est dans une équipe que ce grand adepte de sport (surtout des Canadiens de Montréal) se sent comblé. «C’est autant à propos de l’écosystème que de la nourriture, c’est 50-50, explique Alex. J’adore cuisiner, mais ce qui est aussi tellement important et sous-estimé, c’est que j’adore aller au restaurant: parler au plongeur, au sommelier à tout le monde, se préparer et jaser de nos week-ends… It’s a beautiful, beautiful thing.»

On repassera pour le résumé en quelques lignes… Pardon, Alex, si j’ai oublié quelques détails.

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