Histoire de pêche au homard à Unamen-Shipu
Publié le
25 juillet 2019
Texte de
Catherine Lefebvre
Photos de
Jad Haddad
Jadis, les Innus pêchaient à l’aide d’un gros hameçon aux allures d’un crochet. «On s’est rendu compte que ça pouvait faire mal aux homards», explique Edmond Mestenapeo, agent de développement économique et touristique de Winipeukut Nature. Cette organisation locale planifie des séjours d’expériences en terre innue, afin de transmettre un savoir-faire et une culture millénaire.
C’est sur l’île Apinipehekat, à quelques kilomètres à l’est d’Unamen-Shipu, que nous passons quelques jours pour mieux connaître et apprendre les us et coutumes traditionnels de la communauté. Puisqu’il ne reste que quelques semaines à la saison de la pêche au homard, c’est donc tout un privilège d’accompagner nos guides dans cette étonnante activité.
Partie de pêche
Si la pêche aux homards en cage est aussi pratiquée avec un permis de pêche commerciale ou pour des raisons de subsistance à Unamen Shipu, seuls les Innus ont le droit de pêcher le homard à l’épuisette. C’est donc à titre d’observateurs que nous partons à la pêche dans la baie devant notre campement. Dans la chaloupe, il y a deux épuisettes et une bouteille dans laquelle se trouve un liquide jaune. «C’est de l’huile de maïs, dit Edmond. On en met un peu sur l’eau pour mieux voir les homards au fond de l’eau.»
Ce tour de magie comme il dit est arrivé par hasard, alors qu’un pêcheur a vidé l’huile d’une conserve de sardines dans l’eau. Son reflet ainsi coupé par l’huile permet de mieux voir le fond de l’eau, l’idéal pour repérer le homard qui se cache souvent entre les algues ou dans la vase. Mais dans notre tête de novice, les homards ne vivent que dans les eaux froides et profondes. Il nous est donc difficile de croire que nous en verrons dans à peine un mètre de profondeur.
Edmond prend le bout de l’épuisette pour sonder le fond de l’eau. Pendant ce temps, Daniel Mark– qui est aussi une personne ressource pour identifier les plantes sauvages dans le coin – lance un jet d’huile de maïs sur la surface de l’eau. Nous voyons un peu mieux le fond de l’eau, mais aucun homard. Quelques minutes plus tard, nous commençons à craindre de rentrer bredouilles.
Le temps d’imaginer le pire scénario, Daniel aperçoit un premier homard. Il plonge son épuisette dans l’eau, la place derrière le crustacé et aussitôt qu’il sent sa présence, il recule presque directement dans le filet. En effet, le homard se déplace à reculons. En langue innue, on l’appelle d’ailleurs «ashatsheu», ce qui veut dire «qui recule». Logique!
En moins d’une heure, Daniel et Edmond réussissent à remplir le grand chaudron dans le fond de la chaloupe. Les guides de nos compagnons de voyage dans deux autres bateaux s’affairent également à attraper le souper. Et à les entendre s’exclamer, tout porte à croire que la pêche est tout aussi bonne de leur côté de la baie!
Passons à table
De retour à notre campement, nous avons facilement pêché une trentaine de homards à nous tous, dont certains pèsent entre trois et cinq livres. Nous en avons amplement pour nourrir toute la camaraderie ce soir et demain.
Daniel met tous les homards dans un grand bac avant de remplir notre chaudron d’eau salée du golfe du Saint-Laurent. Il le dépose ensuite sur la grille au-dessus du feu de camp. Le temps de porter l’eau à ébullition, il y met au moins dix homards, qu’il laisse cuire pendant une quinzaine de minutes, sans minuterie ni égard à la taille de ceux-ci.
Environ quinze minutes plus tard, il déverse les homards sur une vieille planche de bois posée dans l’herbe, afin de les laisser refroidir avant de passer à table. Puis, nous nous installons sous la tente pour manger en paix, étant donné que les mouches noires et les moustiques s’affolent autour de nous depuis que le vent est tombé sur l’île. Une pince et une fourchette à fruits de mer, voilà tout ce qu’il nous faut pour déguster notre homard fraîchement pêché. La chair est tendre et si goûteuse qu’elle se déguste facilement telle quelle, quoiqu’il n’est pas désagréable de la tremper dans le beurre à l’ail avant de l’avaler en une généreuse bouchée.
En sortant de table, le ciel est parfaitement étoilé, sans aucune pollution lumineuse sauf peut-être celle du feu de camp. Le vent s’est remis à souffler doucement. En marchant vers notre cabane sur la colline, les diverses plantes nordiques, sèches ou spongieuses, émettent des sons uniques sous nos pas. Miguel, un des capitaines de bateau, a pris soin d’y allumer un feu dans le poêle à bois pour que nous soyons au chaud toute la nuit.
Il va sans dire, les Innus de la mer ont le don de bien recevoir et de raconter de bonnes histoires. L’envie de revenir à Unamen-Shipu se fait déjà sentir, une envie d’en apprendre davantage sur cet endroit magnifique, mais surtout de mieux connaître cette communauté unique, comme nulle part ailleurs.
Bon à savoir
- En voiture, il faut conduire jusqu’à Kegaska, à 50 km à l’est de Natashquan. De là, il faut prendre le navire Bella-Desgagnés le mercredi à 17h45. Le trajet jusqu’à Unamen Shipu prend environ 4h30, selon les conditions météorologiques et coûte 43,26$ par personne, par trajet + les taxes et les frais portuaires. relaisnordik.com
- Le forfait de 4 jours et 3 nuits de Winipeukut Nature est offert du 15 mai au 15 septembre et coûte 890$ (+ taxes) par personne en occupation double. Cela inclut entre autres le billet aller-retour de Kegaska à Unamen Shipu, ainsi que tous les transports sur place. Après la saison du homard du 15 mai au 15 juillet, c’est l’occasion de récolter des petits fruits nordiques, comme la chicoutai et les graines rouges. winipeukut.ca
Le voyage de la journaliste a été offert par Winipeukut Nature.