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Journal d’un vigneron: la vigne qui cache le vignoble
Publié le
18 juin 2021
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28 mai 2021. On annonçait 25 degrés pendant le jour, et seulement 2 degrés la nuit. Mais ça, ce sont des degrés «Météomédia». La réalité: les stations météos sont tombées à -3℃ vers 22h. Et le tout est revenu à la normale vers 7h, le lendemain. La différence est notable. À 2 degrés, une vigne débourrée survit. À -3℃, ça gèle, et la vigne est K.O. pour les deux prochaines années. Un gel comme celui que nous avons connu à la fin mai arrive une fois par dix ou vingt ans. Des gels, ça arrive à chaque année. Mais trois ou quatre nuits d’affilées, lors de la dernière nouvelle lune de mai (traditionnellement le dernier moment sensible du printemps), c’est rare.
Quand on prend en considération que nous avons aussi connu quatre nuits d’affilées de gel en septembre dernier, on ne peut nier que c’est difficile sur certaines vignes. C’est en raison de cet événement spécifique de 2020 que nous avons installés deux nouvelles tours à vent, en ajout de celle qui couvrait déjà la parcelle la plus à risque. Installées pour s’assurer d’une maturité optimale des raisins à l’automne (surtout le vidal dans notre cas), elles auront servi dès le départ à sauver toutes nos vignes au printemps.
À peu près toutes.
Ce matin, nous marchons dans le champ, là où les tours ont eu plus de difficultés à repousser le froid. Un rang de vidal, un rang de seyval. Un rond, bien égal, au beau milieu du Foch.
En tout, quelque chose comme 5% de perte, 15% de dommage. Mais je le prends plus comme 95% de survie. Pour Geneviève, qui considère les vignes comme ses filles, c’est difficile. Surtout quand tu ne focalises que sur ce qui est mort. Tu les a en pleine face, tu te rappelles de les avoir taillées la semaine d’avant, qu’elles étaient toutes belles. Et là, paf, les feuilles sont molles et brunâtres. C’est terminé pour cette année. On verra si elles passent l’hiver.
Avec nous, un nouveau collègue de travail, Thomas. Plusieurs années d’expérience en vinification, il a eu son propre domaine dans le Languedoc. Tout frais sorti de sa quarantaine, il vit une répétition, à moins grande échelle, de ce que ses collègues en France ont connu voilà quelques semaines. La France a presque grillé au complet avec ces gels. Le temps arrange un peu les choses. Tout a l’air bien endommagé quand ça arrive, et une semaine ou deux plus tard, le vrai bilan arrive. Au Québec, certains s’en sont bien sortis, d’autres, non. Il y a des pertes totales, et il y a des gens qui n’ont eu aucun dégât. Mais tous ont travaillé d’arrache-pied dans les dernières nuits.
Virginio, Mariano et Alex sont en arrière. Ils jasent entre eux. Je reconnais des mots clés. Hojas, marron, brote. Ils parlent des feuilles, des bourgeons. Et du fait que c’est rendu brun, donc que la feuille est morte.
Dans la tête de tout le monde, mais surtout de mes collègues du Mexique, il y a la grosse question à savoir si ça veut dire que tout est foutu, si le vignoble doit fermer ou si nous vivrons des années de vache maigre. Qu’on le veuille ou non, il n’y a que peu de raisins de source secondaire au Québec. Et je ne vois pas le moment où cette réalité changera, malgré la meilleure volonté du monde.
Thomas se lève le nez un peu des vignes. Quelques rangs plus loin, les vignes ont survécu. «Du coup, le marquette, lui, il est beau», dit-il en pointant du doigt quelques rangs plus loin. Et il a raison. «Et dans le pinot noir, c’est vraiment juste les feuilles du bas qui ont brûlé, les bourgeons sont corrects», mentionne Geneviève.
Au total, sur 40 kilomètres de vignes, on a perdu 3 kilomètres. C’est tout.
Mais un vignoble, c’est comme la vie en général: si on focalise sur ce qui va mal, qu’on ne relève pas la tête de temps en temps, on perd la trace de tout ce qui va bien.
Il reste bien du temps avant les vendanges. Il y a encore quelques pièges d’ici ce temps mais, malgré tout, c’est bien parti!