Produits émergents: six vedettes à venir au Québec - Caribou

Produits émergents: six vedettes à venir au Québec

Publié le

23 septembre 2024

Texte de

Anne Pélouas

Produire localement ce qui est généralement importé, comme le gingembre, le nigari, la kalette, la figue ou le kiwi, c’est le défi que plusieurs passionnés du monde de l’agroalimentaire relèvent avec brio au Québec! Quand ils n’inventent pas carrément un produit, comme un vin au melon… Zoom sur six aliments qu’on risque de voir de plus en plus dans les prochaines années.
Produire localement ce qui est généralement importé, comme le gingembre, le nigari, la kalette, la figue ou le kiwi, c’est le défi que plusieurs passionnés du monde de l’agroalimentaire relèvent avec brio au Québec! Quand ils n’inventent pas carrément un produit, comme un vin au melon… Zoom sur six aliments qu’on risque de voir de plus en plus dans les prochaines années.
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Les figues de la Vallée du Moulin (Cantons-de-l’Est)

La récolte des figues d’automne bat son plein à la Vallée du Moulin, à Melbourne, et les visites (jusqu’à l’Action de Grâce) offrent l’occasion de découvrir la «Violette de Bordeaux» ou la «Chicago Hardy», deux de la vingtaine de variétés bios que la famille Proulx cultive sous serres.

Serge Proulx est à l’origine de l’aventure mais ses quatre enfants (Anne-Marie, Étienne, Marie-Michèle et Mylène), sont copropriétaires de l’entreprise, les trois premiers y travaillant à temps plein.

Ingénieur à la retraite, spécialiste en hydroélectricité, Serge a restauré un barrage hydroélectrique en 1998, puis construit une deuxième microcentrale qui permettent à l’entreprise d’être autonome en électricité, notamment pour l’éclairage des serres, nécessaire pour la culture des figues au Québec.

Après l’acériculture et la production de miel, la famille se lance donc dans la culture de ces fruits emblématiques dans le bassin méditerranéen, «pour offrir des fruits savoureux, cueillis à pleine maturité, contrairement à des figues importées, encourager l’achat local et l’environnement, tout en profitant de sa propre électricité», explique Marie-Michèle.

Leurs 5000 figuiers, ajoute-elle, sont des variétés autofertiles et très résilientes. Autres avantages: avoir des figues fraîches de qualité, en différentes variétés, qu’on achète à la boutique (qui vend aussi tartinade et pate de figues).

Le gingembre de la Ferme du Vert Mouton (Bas-Saint-Laurent)

Hormis quelques petites productions québécoises, presque tout le gingembre bio consommé au Québec vient du Pérou. L’expérience de culture, vécue depuis trois ans à la Ferme du Vert Mouton, pourrait contribuer à changer la donne dans le futur…

À Saint-Valérien, Donald Dubé et Laurence Fischer-Rousseau, biologistes de formation, pratiquent depuis 2010 l’agriculture en bio intensif dans leur ferme maraîchère. Une quarantaine de légumes et fines herbes, ainsi qu’une quinzaine de variétés de pousses sont cultivés au champ ou en serres, puis vendus à des restaurateurs, en paniers ou au Marché public de Rimouski (de fin mai à fin octobre).

«La culture du gingembre en pots a permis de rentabiliser en été une serre utilisée comme pépinière de plants et convenant parfaitement à cette plante exotique.»
Donald Dubé

Début février, on installe les rhizomes sur des plateaux de culture avec du terreau. En mars, les jeunes pousses sont détachées du rhizome-mère et repiquées en pots, placés en chambre de croissance à environnement contrôlé dans l’ancienne grange. À partir d’avril, elles sont transférées progressivement dans une serre, à mesure qu’en sortiront d’autres plants mis en pépinière. Aux dires de Donald, la culture du gingembre est très facile, et peu sensible aux maladies.

De fin septembre à mi-octobre, on récolte le gingembre, d’un joli jaune-rosé, avec une peau très fine. «Avec 400 pots, précise Donald, nous produisons 400 kilos de gingembre par an que nous vendons frais ou conditionné sous-vide et congelé.»

Il caresse le souhait d’augmenter cette production et de valoriser son beau feuillage, très parfumé. «Un transformateur alimentaire explore l’idée», dit-il. En chantier aussi: la deuxième phase d’un projet-pilote de culture de pleurotes, menée avec l’institut de recherche Biopterre et qui a donné, souligne-t-il, «des résultats encourageants».

Le Nigari d’Alcyon (Iles-de-la-Madeleine)

À Pointe-Basse, sur l’île de Havre-aux-Maisons, les Arseneau (Gérald, Nicole et leurs deux filles, Élisabethe et Joëlle) produisent depuis 2022 des sels de mer haut de gamme, dans les grands bassins de leur atelier.

Le petit dernier de l’entreprise Alcyon est un peu différent: il s’agit d’un nigari, inspiré du Japon et vendu depuis juin dernier. «Notre idée, souligne Joëlle, en charge des communications et de la commercialisation, était de revaloriser le liquide résiduel des bassins après la récolte de sel.» Riche en minéraux, ce concentré de chlorure de magnésium est une saumure de sel de mer et un coagulant parfait pour la fabrication de tofu!

produits émergents

Après de longues recherches, Alcyon se lance dans les tests de production et de contrôle de qualité de son nigari. «Lors du processus de production du sel, 3% du liquide résiduel est récupéré. Pour chaque lot de sel, on remplit environ 100 bouteilles de 237 ml», précise Joëlle.

Le nigari est reconnu pour coaguler le lait de soya pour fabriquer un tofu à texture raffinée et saveur sucrée. «Ce produit de niche a attisé la curiosité de nos clients, sur place ou en ligne», résume Joëlle qui croit que l’intérêt grandissant pour le végétarisme et le végétalisme pourrait inciter davantage à faire son tofu, plus frais et qu’on peut assaisonner à sa guise, tout en réduisant les plastiques d’emballages de tofus! Alcyon propose d’ailleurs un ensemble à tofu (bouteille de nigari, presse en bambou, coton à fromage et fèves de soya bios).

«On poursuit également la recherche-développement, assure Joëlle, pour trouver d’autres façons de valoriser la saumure de sel marin.»

Le vin blanc au melon du vignoble Val Caudalies (Cantons-de-l’Est)

C’est un concours de circonstance (une rencontre sur un marché public) qui a poussé Guillaume Leroux à vendre à ses deux amis-associés du vignoble Val Caudalies (Julien Vaillancourt et Alexis Perron) l’idée de produire un vin blanc parfumé au melon d’eau…

En 2023, les propriétaires de Pop-Melon, à Dunham, allaient laisser pourrir au champ des centaines de melons d’eau de deuxième catégorie. Guillaume en rachète 2000 livres fin septembre. En novembre, l’équipe vigneronne se met aux expérimentations «melon d’eau». Résultat: le lancement en mai dernier de ce vin blanc aromatisé, pétillant et gazéifié au melon d’eau! «On a vendu 1000 bouteilles en 24 heures», se réjouit Guillaume.

Le processus est assez simple: après le retrait des pelures, on coupe la chair en morceaux. On l’écrase pour récupérer pulpe et jus qui macèreront trois jours en cuve dans un frontenac blanc (80% pour 20% de melon). Après avoir tamisé le liquide, il sera gazéifié.

«Les gens aiment les bulles et ce produit festif, à 6,5% d’alcool, est parfait pour l’apéro en terrasse ou au temps des Fêtes.»
Guillaume Leroux

Cette année, le vignoble a acheté 8000 livres de melon d’eau et devrait mettre en vente 3000 bouteilles en novembre. Pour Val Caudalies, qui fêtera bientôt ses 25 ans, le produit plaît à une clientèle plutôt jeune, sans toucher à ses fleurons: toute une gamme de vins blancs, rosés, rouges, fortifiés, vermouths et cidres qui ont fait sa renommée, bien au-delà de son magnifique territoire valonneux, entre Dunham et Frelighsburg.

Les kiwis et la kalette de la Ferme du Mihouli (Montérégie)

Cet automne, Nadine Gelly et Claude Gagnon récolteront à bonne échelle leurs premiers kiwis arctiques et kalettes (croisement du chou de Bruxelles et du chou kale). «Nous voulions cultiver des produits sortant de l’ordinaire quand, en juin 2022, nous avons acheté cette terre en friche, au bord de la rivière Richelieu», dit Nadine.

Consultante stratégique en tourisme, culture et divertissement, elle et son mari – un banquier à la retraite – y plantent des kiwiers matures en 2023. Plus de 500 kiwiers prennent aujourd’hui de la vigueur, prêts à produire des fruits de la taille d’un pruneau, riches en vitamines et potassium.

Chaque plant peut donner 45 kilos de fruit sans pelure à ôter, à la différence d’un kiwi importé! «On est très fier du résultat, souligne Nadine, et de pouvoir proposer ce produit local à la vente, comme quelques autres producteurs québécois.»

produits émergents
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La kalette s’apprête à être l’autre success story de la ferme. Le couple a découvert le produit, au goût subtil de noisette, chez Costco… «Nous avons débuté avec 5000 plants l’an passé, explique Nadine. Ils sont très résilients, supportent autant le chaud que le froid et réclament peu d’entretien. On récolte sur tige les rosettes vertes dès la fin septembre mais j’en ai déjà cueilli pour un restaurateur en février!»

Nadine et Claude songent à valoriser aussi la tête feuillue du plant qu’un chef a déjà jugé délicieux, blanchie puis poêlée.

La ferme aspire aussi à devenir un lieu rassembleur. D’où l’idée de faire adopter des kiwiers. La trentaine d’adoptants actuels profitent de 10% de la récolte des fruits en automne et participeront à la première Grande Tablée des récoltes, en 2025. D’ici là, l’entreprise aura complété son offre agrotouristique, avec un restaurant, une résidence de tourisme et des activités au champ.

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