Q pour Québec
Publié le
20 février 2024
Texte de
Les Minettes
Illustration par
Elisabeth Cardin
Choisir les cépages à planter au vignoble relève d’une décision de la plus haute importance: vitis viniferas, hybrides, ou encore les deux? Les défis climatiques poussent les vignerons et vigneronnes à s’interroger sur l’avenir de la vinification au Québec. Chercheurs, hybrideuses, pépiniéristes et productrices de vin collaborent afin de faire avancer l’implantation de nouveaux cépages – et voici comment ça s’organise.
Rappelons-le, le vignoble québécois est relativement jeune. Les premiers vignobles commerciaux ont vu le jour au début des années 80. Cette première génération de vigneronnes et vignerons a bien compris qu’il était possible de faire pousser de la vigne au Québec. Aujourd’hui, elle laisse place à une nouvelle génération qui reprend le flambeau en créant des vignobles à partir de zéro ou en rachetant d’anciennes terres qu’elle transforme.
Désirant laisser le terroir du Québec s’exprimer, cette nouvelle génération doit d’abord se demander quel type de vignes planter. Comme on le sait, notre climat nordique ne rend pas toujours cette tâche facile. Certains font le choix de travailler avec des vitis viniferas (plus fragiles, plus sensibles au froid et au gel et plus susceptibles aux maladies fongiques) et d’autres se tournent vers des hybrides plus adaptés au climat nordique. Plusieurs facteurs les poussent à réfléchir aux «bons» cépages à planter, mais aussi au lieu où poussera la vigne et à la façon dont elle sera travaillée, de manière à composer avec notre climat.
Au Québec, nous avons nous nos centres de recherche à échelle humaine comme Viticulture A & M, situé à Saint-Paul-d’Abbotsford. Ses propriétaires, Alain Breault et Mariette Lagueux, consacrent leur temps aux nouveaux cépages résistants nordiques. Depuis 1984, ils multiplient les recherches, plantent, élèvent et reproduisent une variété de vignes hybrides adaptées à notre climat nordique (adalmiina, muscat oscéola, muscat cliche, itasca, crimson pearl…) pour les offrir à notre belle communauté de vignerons et vigneronnes, qui bâtissent l’identité viticole du Québec. Il y a aussi Ronald Juneau, un producteur de vignes rustiques adaptées à notre climat, qui réalise des croisements à partir de vitis viniferas. À ce jour, il a développé quatre cépages (chenibec, gewurztraminer RJ, juneaudor précoce et juneau blanc) que nous trouverons d’ici quelques années dans certains de nos vignobles, dont Très-Précieux-Sang, à Bécancour.
Et dans les champs, comment se reflètent ces recherches? Les vignobles comptent de plus en plus de parcelles tests où sont plantés différents hybrides plus ou moins connus. L’objectif est d’identifier ceux qui s’épanouissent le mieux, selon le terroir, mais également de pouvoir tester différents types de vinification, examiner les caractéristiques de chaque cépage et voir quels sont ceux qui définiront la personnalité des vins québécois.
Les vins issus de nos cépages résistants nordiques forgent l’identité de notre terroir. Nulle part ailleurs dans le monde ne retrouve-t-on un tel encépagement, avec autant d’hybrides. Le Québec, un terrain de jeu incroyable, est l’un des précurseurs dans la recherche sur les cépages nordiques résistants et s’il s’en donne les moyens, il pourrait contribuer à l’évolution du patrimoine viticole mondial.