Grincement de dents de Frédéric Lebel et Dominique Dumas: À quand un étiquetage environnemental? - Caribou

Grincement de dents de Frédéric Lebel et Dominique Dumas: À quand un étiquetage environnemental?

Publié le

07 janvier 2019

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Dominique Dumas et Frédéric Lebel sont propriétaires de la ferme À l’Herbe! Bouvillons de pâturage. Passionnés d’agriculture durable et d’environnement, ils ont opté pour un élevage de bœuf en gestion intensive de pâturage. Contrairement à l’élevage industriel, cette pratique augmente la productivité des sols et préserve la biodiversité des champs. Comme les animaux broutent peu longtemps chaque parcelle avant de passer à la suivante, la prairie se régénère en continu et les bêtes ont accès à un bar à salade tout frais plusieurs fois par jour. Laisser croire que ce type d’élevage ait la même empreinte carbone qu’un élevage industriel est erroné et choquant pour les deux propriétaires. Mais ce qui les fait encore plus grincer des dents, c’est que les gens qui souhaitent consommer en fonction de valeurs environnementales n’ont pas accès à l’information nécessaire pour le faire. Un texte de Julie Aubé Pourquoi l’empreinte carbone du bœuf élevé selon vos pratiques n’a rien à voir avec celle du bœuf conventionnel? On accuse souvent le bœuf de «manquer d’efficacité» puisqu’en conventionnel, on cultive (avec intrants et machinerie) des grains (souvent ensuite séchés, transportés et transformés) pour nourrir les bêtes. En élevant les bovins sur pâturage, on ne cultive aucun grain pour nourrir l’animal, c’est la prairie qui le nourrit. Durant la saison de paissance, on n’utilise aucune machinerie pour récolter l’herbe (non digeste pour l’homme mais naturelle pour un ruminant!), c’est l’animal qui s’en occupe lui-même. On n’ajoute aucun engrais ni fertilisant, c’est l’animal qui le produit et l’épand en circulant de parcelle en parcelle. Si on considère en plus que nous commercialisons notre viande en circuit court, notre produit est à des lieues du bilan carbone du bœuf élevé en parcs d’engraissement. Par ailleurs, il importe de s’intéresser au potentiel de captation de carbone d’une prairie diversifiée et constamment en croissance puisque broutée par des animaux qui changent de parcelles 3 à 5 fois par jour. Plusieurs agriculteurs et spécialistes en parlent depuis longtemps. Curieux d’avoir l’heure juste pour notre ferme, nous avons entré nos données dans Holos, un outil indépendant de calcul rendu disponible par Agriculture Canada. Résultat: notre élevage de bœuf séquestre plus de carbone qu’il n’en rejette. Vous avez bien lu!
L’élevage durable et regénérateur existe et fonctionne, mais les gens n’en ont pas connaissance. L’information qui circule, basée sur une généralisation qui met notre produit dans le même bateau que celui de l’industrie, mènent plusieurs consommateurs de bonne volonté à devenir détracteurs du bœuf, sans réaliser que les méthodes d’élevage affectent le bilan carbone de façon importante.
Chez nous, avant de transformer les champs de maïs des propriétaires précédents en prairies pour nos bœufs, la terre était morte, dépendante des intrants. Nos sols grouillent de vie aujourd’hui. Nous avons été les témoins privilégiés du potentiel régénérateur de la technique. Si elle n’était pas aussi efficace, on ne la ferait pas! L’empreinte carbone ne devrait donc pas être regardée par type de produit, mais plutôt par ferme, voire par lot de produits puisque les intrants peuvent varier par exemple selon les saisons? Tout à fait! Et c’est vrai pour le bœuf comme pour tous les produits alimentaires et non alimentaires. Un produit n’est pas noir ou blanc quant à son impact environnemental, il bouge sur une échelle de gris en fonction d’une foule de facteurs. Dans un contexte de conscientisation grandissante à l’égard de l’impact environnemental de notre alimentation, on doit informer les consommateurs sur les solutions, littéralement sous nos pieds (quand on parle d’herbe!), plutôt que de les passer sous silence en se satisfaisant de généralisations. L’idée n’est pas que les gens mangent plus de viande, mais qu’ils soient plus nombreux à remplacer un aliment (toutes catégories confondues) issu d’une agriculture insouciante de l’empreinte environnementale par une alternative issue d’une agriculture durable et régénératrice.
À lire à ce sujet: la solution sous nos pieds
Parler davantage d’agriculture durable et régénératrice doit donc faire partie des solutions, mais encore faut-il que l’information soit accessible au moment des achats... Et c’est là qu’entre en jeu l’idée d’un étiquetage environnemental! Grâce à l’étiquetage nutritionnel, on sait quel pain de la tablette a le plus de fibres ou quel yogourt contient le plus de sucres ajoutés, mais quelle légumineuse ou quel bœuf a la meilleure empreinte environnementale, ça, impossible de le savoir. Oui, acheter c’est voter… mais pour voter en faveur de l’environnement, on se base sur quoi? On n’a pas l’information juste. Tandis que certaines entreprises font de gros efforts environnementaux qu’ils ne publicisent pas nécessairement, d’autres en font de petits et en parlent mur à mur… Comment les consommateurs peuvent-ils faire pour s’y retrouver? En tant que scientifiques, on préfère se fier à des données plutôt qu’au budget marketing. Nous rêvons donc que l’étiquette de tous les produits fabriqués, alimentaires ou non, affichent obligatoirement un bilan environnemental complet (car ça va au-delà du carbone), calculé selon une méthode standardisée et vérifiée. Ça se ferait sur quelques années, afin qu’à terme, on dispose des données pour tous les intrants qui entrent dans la composition d’un produit. Trop d’information à analyser pour les consommateurs? Réduisons l’espace pour le marketing et les allégations, mais affichons ce qui permettra aux consommateurs de connaître l’empreinte de ce qu’ils achètent. Et pour faciliter l’interprétation, on peut imaginer un système de couleur. Aucune entreprise ne voudra que son produit reste «dans le rouge» trop longtemps; ça les stimulerait à améliorer leur impact! Tous les spécialistes s’accordent pour dire qu’il faut agir et que ça presse. Ne sous-estimons pas la puissance de changement des gens. La majorité veut bien faire, s’améliorer, choisir mieux. Donnons-nous un outil pour le faire! La technologie existe et est loin d’être futuriste. C’est une question de volonté, alors qu’est-ce qu’on attend?
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