Où sont tous les guerriers de la cuisine? - Caribou

Où sont tous les guerriers de la cuisine?

Publié le

10 octobre 2019

Kimberly Lallouz
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Chaque mois, Caribou offre une carte blanche à une personnalité pour qu’elle s’exprime sur le sujet de son choix. Ce mois-ci, la cheffe Kimberly Lallouz, qui possède cinq restaurants à Montréal, déplore le manque de main-d’œuvre en restauration et le changement de mentalité et d’attitude de certains employés.

Texte de Kimberly Lallouz

Ça fait 11 ans que je suis cheffe-entrepreneure à Montréal, mais ça fait 20 ans que je travaille dans le milieu de la restauration. J’adore ce que je fais! J’ai commencé de zéro, sans un dollar en poche et sans formation. J’ai été de toutes les étapes de la réalisation de tous mes projets de restaurants. C’est moi qui ouvrais chaque matin et fermais tous les soirs. J’ai fait la cuisine, la vaisselle et même parfois le service aux tables. C’est seulement après avoir eu la capacité d’engager quelqu’un que j’ai enfin pu souffler un peu. L’importance d’une équipe est indéniable puisqu’on se rend vite compte qu’il est impossible de tout faire seule, ou du moins, pas pour très longtemps!

Je pense que ma «drive» et ma passion pour mon boulot viennent peut-être d’un désir de ne pas échouer… Et quand je travaillais pour d’autres, la même passion m’habitait. Pourquoi cela n’est-il pas le cas pour les jeunes cuisiniers aujourd’hui? Peut-être qu’il s’agit d’une question de générations?

Quand j’ai lancé le premier de mes cinq restaurants, je n’ai pas pris une journée de congé pendant cinq ans. Je n’ai pas étudié à l’école de cuisine (j’ai fait mes études en marketing et en journalisme et j’ai commencé ma carrière en mode!). Depuis ma première journée dans le milieu de la restauration, j’ai pu observer que le domaine était beaucoup moins clément que celui de la mode. Des chefs qui crient (des gérants aussi) et des employés quasiment enchaînés à leur «table de prep» sont des scènes dont j’ai été témoin… 

J’ai toujours dit que lorsque j’aurais mon propre resto, je ne laisserais personne dans la m*rde. Ça veut aussi dire que si je vois mon collègue qui fait mal son travail, je prendrai le temps de lui dire et je lui apprendrai la bonne technique. En cuisine, on est une famille, et tous les membres de la famille sont nécessaires pour sortir un plat pour le client. Je ne sais pas ce qui se passe, mais j’ai remarqué que la nouvelle génération de cuisiniers (ceux que j’ai côtoyés, bien sûr pas tous!) est moins apte à corriger et à aider son voisin. Est-ce par peur d’offenser ou de vexer la personne? Peut-être. C’est vrai que ça fait un petit peu mal à l’orgueil.

Mais ce que je n'avais jamais vu avant 2017, c’était un tel manque de cuisiniers et cuisinières. Avant, quand je cherchais un cook, je plaçais une annonce et je recevais 100 C.V. Je passais ensuite 10 à 20 personnes en entrevue, je sélectionnais mes préférés, et je leur faisais faire un essai. 

Aujourd'hui si je cherche un.une employé.e, je dois aller sur Facebook et me battre contre tous les autres restaurants et bars de Montréal et des environs qui cherchent eux aussi de la main-d’œuvre.

Je connais des gens qui ont décidé d’accepter un travail plus près de chez eux «même s’ils sont plus inspirés par ma cuisine». Moi, au début de ma carrière, je choisissais mes expériences de travail en privilégiant de travailler avec les gens que j’admirais, que je respectais; des gens dont la cuisine, la mission, la vision, les plats m’inspiraient. Et non pas sur des détails logistiques! 

Personnellement, je me sens choyée: j’ai des employés qui sont à mes côtés depuis une dizaine d’années, et avec qui j’ai pu bâtir les équipes de mes restaurants. 

Lorsque que je m’occupais de la restauration de la Coupe Rogers, j’avais 13 à 23 cuisiniers par jour et 30 à 75 employés en service à ma charge. À l’époque, trouver des gens compétents rapidement n’était pas toujours évident, mais c’était faisable. 

Aujourd’hui, malheureusement, le manque de main-d’œuvre m’empêche de poursuivre mes ambitions et de créer de nouveaux projets.

Quelles sont les pistes de solution? Plus de volonté de la part des travailleurs du milieu peut-être. Un encouragement et une ouverture de la part de nos gouvernements par rapport aux travailleurs étrangers aussi entre autres.

Je pense que je parle au nom de tout le monde dans l’industrie à Montréal, en disant que si vous êtes ouvert et que vous avez une bonne attitude et envie de travailler, on vous attend en grand nombre dans nos cuisines!

Kimberly Lallouz est cheffe-propriétaire des restaurants Miss Prêt à Manger, Bird Bar, Monsieur Restaurant + Bar, du Restaurant du MAC ainsi que du Henden bar.

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