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En cette période où la lutte contre les changements climatiques représente le principal défi de l’humanité, l’agriculture n’échappe pas au débat. Les modes de production et de distribution alimentaires doivent être plus écologiques et plus durables qu’ils ne l’ont été ces dernières décennies. Cela passe entre autres par l’alimentation locale, et une des solutions pour y arriver à l’année au Québec est la culture en serre. Mais cette méthode est-elle écologiquement viable?
Un texte d'Ugo Giguère
Ne laissons planer aucune ambiguïté: oui, la serriculture représente une option avantageuse sur le plan écologique. Toutefois, pour maximiser ses bénéfices, il faut tenir compte de l’impact environnemental de chaque décision, de la conception de la serre jusqu’à la distribution des aliments. D’abord, il existe plusieurs types de serres, dont des serres froides, non chauffées, qu’on retrouve souvent sur les terres des producteurs maraîchers. Même chose pour les tunnels construits au-dessus d’une partie de champ ou de potager. Puis, il y a les serres chauffées. Celles-ci nécessitent d’importantes infrastructures et consomment énormément d’énergie. C’est sur ce dernier modèle qu’on s’est penché afin de bien comprendre l’impact de ces cultures qui poussent un peu partout, en zone rurale comme en milieu urbain.
Énergie
Selon un rapport de l’Institut de recherche et de développement en agroenvironnement (IRDA) intitulé Consommation d’énergie et émissions de gaz à effet de serre en production serricole au Québec, les émissions annuelles de gaz à effet de serre par la serriculture devraient atteindre 46 985 tonnes en équivalent de CO2 en 2020. À titre comparatif, cela représente environ 14 600 Honda Civic parcourant chacune 20 000 kilomètres. Ce nombre peut paraître impressionnant, mais il représenterait une baisse d’environ 30% par rapport à 2015; une réduction attribuable à la conversion de la majorité des serres anciennement chauffées au mazout à des systèmes au gaz naturel, à la biomasse ou aux granules de bois, par exemple.
Louise Hénault-Ethier, de la Fondation David Suzuki, détient une expertise particulière en la matière puisqu’elle a dû gérer un projet de serre sur le toit de l’édifice Henry F. Hall, à Montréal, lorsqu’elle occupait la fonction de coordonnatrice en environnement à l’Université Concordia. Elle reconnaît que les vieilles serres mal isolées et chauffées au mazout n’avaient rien d’écolo. Toutefois, les temps changent. Certaines serres sont construites avec des parois de verre doubles qui retiennent la chaleur; d’autres sont dotées de panneaux photovoltaïques pour capter l’énergie solaire; d’autres encore utilisent un système à l’eau chaude qui circule grâce à des serpentins chauffés par le soleil.
Les Serres Sagami, qui cultivent les produits Savoura, exploitent 12 sites de cultures de tomates, de concombres et de fraises qui couvrent 32 hectares, dont une partie (environ 12 hectares) est consacrée à la culture biologique. Certaines installations sont chauffées au gaz naturel et d’autres misent sur l’énergie fournie par la biomasse, tirée principalement de résidus forestiers. Les chaudières brûlent le bois pour chauffer de l’eau qui circule ensuite dans des serpentins disposés à la base des plants afin de garder les racines au chaud.
Bien que le Québec soit riche en hydroélectricité, cette source d’énergie coûte beaucoup trop cher pour répondre aux immenses besoins de chaleur d’une serre. En revanche, Hydro-Québec offre un tarif préférentiel aux producteurs pour alimenter leur système d’éclairage. Il ne faut cependant pas voir la combustion comme une catastrophe, précise Louise Hénault- Ethier. «On ne doit pas oublier que lorsqu’on brûle une matière, le CO2 libéré est capté par les végétaux, qui s’en nourrissent. Des systèmes permettent de récupérer les émissions de GES produites par la combustion et de les réintroduire dans la serre afin de nourrir les plantes», explique-t-elle.
«Dans une serre, il faut de la lumière, de l’eau et du CO2», répète comme un mantra le directeur général de la production de Savoura, Richard Dorval, en ajoutant que si la source d’énergie de la serre ne produit pas de CO2, il faut en injecter sous forme liquide pour nourrir les cultures.
D’autres moyens existent pour améliorer la performance énergétique des serres, dont le fait de les relier à un bâtiment déjà chauffé. C’est ce concept qu’exploitent notamment les Fermes Lufa, dont les serres sur les toits interagissent avec l’immeuble qui les accueille. La serre joue le rôle d’un isolant pour le bâtiment, puisque les édifices perdent énormément de chaleur par le toit. Résultat: on réduit les besoins de l’édifice en chauffage l’hiver et en climatisation l’été.
En contrepartie, comme le souligne Thibault Sorret, chef du personnel des Fermes Lufa à Montréal et à Laval, 50% de la chaleur nécessaire au fonctionnement de la serre provient des pertes de l’immeuble d’en dessous.
Eau
L’eau représente une autre ressource abondamment consommée dans une serre, particulièrement pour les cultures hydroponiques comme celles des Fermes Lufa. L’Organisation des Nations unies pour l’alimentation et l’agriculture évalue que jusqu’à 70% de l’eau douce tirée des rivières et des nappes phréatiques dans le monde sert à des fins agricoles.
Chez Lufa, certaines installations recueillent l’eau de pluie. Lorsque ça ne suffit pas, on utilise l’aqueduc municipal. L’eau qu’on fournit aux légumes est d’abord enrichie de nutriments; une fois les plants hydratés, toute l’eau non absorbée est récupérée, filtrée et réutilisée.
Chez Sagami-Savoura, l’eau dont on se sert provient de puits artésiens. Là aussi, on récupère tout le surplus non absorbé par les plantes afin de l’utiliser à nouveau. L’entreprise cherche également à mettre au point un système d’étang de rétention pour pouvoir un jour traiter l’eau de pluie.
Transport
Le principal avantage de la serriculture urbaine est d’assurer une indépendance alimentaire locale et d’éviter le transport de denrées sur des dizaines de milliers de kilomètres. Louise Hénault-Ethier pointe notamment les communautés nordiques, pour qui les serres offrent une véritable possibilité de consommer des produits frais à l’année. Thibault Sorret renchérit en soulignant que le consommateur gagne aussi des aliments de meilleure qualité et plus savoureux quand il achète des produits locaux. En ce qui concerne l’empreinte écologique, Lufa s’intéresse particulièrement au «dernier kilomètre parcouru», c’est-à-dire le chemin que doit faire le client pour se rendre à l’aliment.
«C’est un enjeu majeur, parce que peu importe les efforts que fait le producteur pour réduire ses émissions de GES, l’impact du trajet du client jusqu’à l’épicerie peut être encore plus grand», explique-t-il. On peut notamment penser aux émissions qui seront produites si un millier de clients doivent prendre la voiture pour aller chercher leurs légumes. C’est pourquoi Les Fermes Lufa préconisent un modèle de livraison par véhicules électriques à des points de chute ciblés selon la densité de la population et l’accessibilité en transport en commun.
Du côté de la marque Savoura, on se contente de livrer aux centres de distribution des grandes chaînes d’alimentation. Au sein de cette entreprise, c’est plutôt sur l’emballage qu’on se concentre. Petit à petit, on veut éliminer le plastique. La gamme Savoura-Bio a déjà remplacé ses barquettes de polystyrène par une matière compostable, et depuis peu, les grappes de tomates Cerizo Bio sont vendues sans emballage. On invite simplement le client à les insérer dans de petits sacs de papier compostables.
Ces initiatives parfois coûteuses viennent bousculer le marché, mais font la fierté de la marque, aux dires de son directeur général de production.
Quand on ajoute à cela que les serres n’utilisent pas de pesticides et que le rendement des cultures au mètre carré est de 200% plus élevé qu’en champ, on peut facilement conclure que les avantages outrepassent largement les inconvénients.