La nouvelle communauté des pêcheurs et chasseurs québécois - Caribou

La nouvelle communauté des pêcheurs et chasseurs québécois

Publié le

03 mai 2021

chasse et peche pour tous y compris les jeunes
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Le Québec compte de plus en plus d’adeptes de pêche et de chasse, qui font les choses autrement et pratiquent ces loisirs en ayant à cœur le respect la nature. Discussion sur ces nouvelles communautés avec Fred Campbell fondateur de Hooké, et le chef et chasseur Stéphane Modat.

Texte de Geneviève Vézina-Montplaisir

Hooké, une marque ayant pour mission de promouvoir la pêche durable et la chasse éthique, est née en 2012. Quel était ton but quand tu as fondé ce mouvement qui est aujourd’hui devenu une entreprise florissante et qui rassemble une communauté de plus de 50 000 passionnés de pêche et de chasse?

Fred: Hooké est né de ma passion pour la pêche et la chasse. Mais je ne savais pas au départ que ça allait devenir une entreprise! Je trouvais que l’image des activités n’étaient pas bien mise de l’avant comme ça l’est dans les domaines du skateboard et du snowboard par exemple, d’autres sports que je pratique et que j’ai aidé autrefois à promouvoir. Il y a beaucoup d’action et d’aventure lorsqu’on pratique la pêche. Il n’y a rien de plate là-dedans, mais ce n’était pas ce que je voyais dans le contenu qui en faisait la promotion. En 2012, j’ai mis une vidéo de pêche sur Facebook et il y a eu énormément de réactions. Mon esprit entrepreneurial m’a dit qu’il y avait là une opportunité de montrer ce sport différemment pour qu’il y ait plus de gens qui s’y intéressent. J’ai aussi pensé qu’il y avait une façon différente de présenter cette activité: de façon intelligente et en mettant de l’avant, par exemple, la remise à l’eau et le respect de la nature. 

L’idée de départ avec Hooké n’était pas nécessairement de mettre de l’avant des techniques pour prendre du poisson mais plutôt de mettre de l’avant le territoire et de faire connaître les gens pour qui la pêche est un mode de vie. J’avais envie de changer les stéréotypes du riche aristocrate qui pêche le saumon et du vieux monsieur qui chasse et qui ne respecte pas les animaux. Je voulais remettre l’image de la pêche et de la chasse au goût du jour, amener les jeunes à s’y intéresser. C’était comme de refaire l’identité de marque de la pêche et de la chasse dans le fond!

Stéphane, tu as créé en 2016 le mouvement Bravejack, dédié à la chasse et qui a fédéré une communauté de chasseurs. Qu’est-ce que tu voulais faire avec cette initiative? 

Stéphane: Bravejack, c’est un projet qui est né d’un désir de mettre de l’avant les produits du terroir. On a été plusieurs à son origine et c’est maintenant un mouvement qu’on a continué aujourd’hui qu’avec mon acolyte photographe et vidéaste Frédéric Laroche sous le nom Le clan (ndlr: ce sera aussi le nom du futur restaurant de Stéphane Modat présentement en rénovation). Comme cuisinier, la notion de territoire, c’est servir du bœuf, du porc, du poulet d’ici, mais c’est surtout d’aller voir ce que le territoire a à nous offrir. Quand j’ai commencé à faire la promotion de la chasse, je le faisais aussi pour participer à la discussion sur la légalisation de la viande de bois qu’il est présentement impossible de servir dans nos restaurants. 

Pour nous, le désir de chasser et de pêcher n’a rien à voir avec tuer la plus grosse bête ou prendre le plus gros poisson. En prônant la remise à l’eau, tu ne vas pas manger ton saumon après l’avoir pêché, mais si tu vas pêcher pendant la saison des champignons, tu peux profiter de ton activité pour faire de la cueillette. Ce n’est pas qu’une histoire de trophée, c’est aussi une histoire de contemplation. Oui, il y a l’adrénaline qu’on aime dans le fait d’aller chasser, mais il y a tout le reste à considérer. Quand tu vas à l’original, tu as une chance sur un million d’en ramener un. Juste être là, dans la forêt, c’est aussi ça chasser. 

Comment connaître un peuple et son territoire? Va à la chasse ou pêcher avec eux.

Stéphane Modat

Est-ce que vous sentez que le retour à la nature qu’on a connu ces dernières années et plus récemment avec la Covid ont participé à faire grossir ces nouvelles communautés de pêcheurs et de chasseurs

Fred: Absolument! Aujourd’hui, les gens vont plus en nature et tous les sports de plein air sont en pleine explosion. C’est donc naturel que les gens aient un intérêt grandissant pour la chasse et la pêche. Aussi, avant, il y avait moins de gens qui s’y intéressaient simplement parce que le marketing et l’image de marque de ces activités étaient figés dans le temps. La promotion était faite autour de l’idée de tuer des animaux et de les accrocher sur ses murs, pas autour de la nature. 

Fred Campbell à la pêche - Crédit photo: Hooké

Stéphane: Les gens veulent plus que jamais profiter de la nature et une des façon de de le faire c’est d’aller prélever quelque chose de naturel, d’aller tripper entre amis, et de le cuisiner sur le feu. 

Fred: Aujourd’hui, dans ces communautés-là, on voit qu’il y a de plus en plus de femmes et de plus en plus de jeunes. Avant, les voyages de chasse c’était entre boys. Aujourd’hui, ce n’est plus ça, ce sont des familles qui vont pêcher et chasser ensemble. 

Quel est l’apport des réseaux sociaux dans cet engouement? 

Fred: C’est majeur. J’ai bâti ma compagnie avec les réseaux sociaux. Si on regarde par exemple aujourd’hui l’intérêt pour la pêche au saumon d’Atlantique qui était en chute libre il y a quelques années, on remarque qu’elle connait des records de popularité. Il y a des gens qui me disent: «Avant Hooké, c’était l’fun, il n’y avait personne sur les rivières, on avait la paix!». Aujourd’hui, l’économie autour de la pêche et de la chasse va mieux et il y un potentiel de voir une relève s’y intéresser. 

Stéphane: Cet intérêt grandissant et l’exposition sur les réseaux sociaux permet aussi de voir davantage d’argent investi pour protéger les rivières et de voir poser des actions de réensemencement, par exemple. 

Stéphane Modat à la chasse - Crédit photo: Frederic Laroche

Votre communauté, elle se rejoint où et comment outre que sur les réseaux sociaux? 

Fred: Par des événements (présentations de films et cours techniques) et des voyages qu’on organisait avant la pandémie. On a un magazine et aussi une série télé présentée à Unis.Tv. Ça permet de vivre l’expérience Hooké.

Ce sont des communautés tissées serrée. On se connait tous indirectement, on se respecte tous. 

Fred Campbell

Croyez-vous que ces communautés vont continuer de grandir dans l’avenir?

Stéphane: Oui, la Covid nous a appris à manger plus local et il n’y a pas plus local que d’aller prélever ta viande dans le bois ou ton poisson dans un lac ou une rivière. Mais si tu vas pêcher, il faut que tu saches comment le vider ton poisson! On a perdu nos connaissances de cueilleurs-chasseurs, et c’est ce que les gens retrouvent tranquillement. Aujourd’hui, tu vas dans un magasin de plein air et il y a des ruptures de stocks de pêche et de chasse. C’est génial car ça veut dire que les gens sont allés jouer dehors! Moi je pense que c’est un mouvement qui va juste grandir car les gens vont s’apercevoir de la richesse qu’on a au Québec. 

Avant de tirer sur un animal, il faut que tu saches ce que tu vas faire avec. Avant de partir à la pêche il faut que tu saches ce que tu vas faire avec les 50 truites que tu vas pêcher.

Stéphane Modat

Fred: Après le vélo de montagne, la pêche est l’activité qui va connaitre le plus d’essor selon moi. Tu veux réserver un séjour de pêche à la Sépaq ou dans une pourvoirie? Il n’y a plus de place!

Il y a de plus en plus de programmes d’études sur le plein air et même un nouveau programme chasse-trappe dans le modèle sports-études à Rimouski. Je pense que le futur du développement de ces communautés va passer par la relève. Ça va prendre des gens pour continuer à pousser ça. Et nous, nous aurons participé à notre façon à cet engouement! 


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