La générosité des femmes chefs selon Colombe St-Pierre
Publié le
31 janvier 2018
Colombe St-Pierre s’amène à Montréal pour faire entendre sa voix et faire goûter sa cuisine dans le cadre de Women With Knives, présentée au Centre Phi la semaine prochaine. La propriétaire de Chez St-Pierre au Bic, dans le Bas-Saint-Laurent, sera au coeur de cette série d'évènements avec la chef slovène Ana Roš, élue meilleure femme chef au monde en 2017 par le palmarès The World's 50 Best Restaurants. Caribou a discuté avec la pétillante chef de la place des femmes en cuisine et de sa vision du métier.
Propos recueillis par Geneviève Vézina-Montplaisir
Photo de Michel Dompierre
Colombe sur l’événement Women With Knives au Centre Phi
«J’ai découvert le Centre Phi quand Magnus Nilsson y est venu l’an dernier. J’ai assisté à sa conférence car je voulais envoyer mon sous-chef en stage à son restaurant. Quand on m’a contactée pour me demander de participer à une série d’événements mettant de l’avant le travail des femmes dans les cuisines gastronomiques, j’ai trouvé ça trippant. Il faut qu’on le dise davantage qu’il y en a des femmes qui font de la cuisine gastronomique, car on retrouve rarement leur restaurant dans le Guide Michelin et dans le palmarès The World's 50 Best Restaurants. Depuis la parution du Times en 2013 avec en couverture les chefs David Chang, Alex Atala et Rene Redzepi et le titre «The Gods of Food», les femmes chefs ont commencer à militer pour faire entendre davantage leur voix et des événements comme Women With Knives leur permettent de le faire.»Colombe sur la chef Ana Roš
«J’ai rencontré Ana l’an dernier dans le cadre d’un événement de Gelinaz!, qui se tenait en Autriche. Gelinaz!, c’est un collectif international de chefs qui organise des échanges et des événements rafraîchissants loin des concours et des listes de qui est le meilleur. Leur événement de l’an dernier rassemblait pendant une semaine 25 chefs de partout dans le monde, jumelés en équipe pour remixer les grands classiques de la cuisine autrichienne. Je n’étais pas dans l’équipe d’Ana – la mienne était composée de David Chang, de Lukas Mraz et de May Chow – , mais comme on dormait tous au même hôtel, Ana et moi on a déjeuné ensemble quelques fois. Je ne pensais jamais qu’on allait se revoir! Il y a plusieurs femmes chefs à Montréal, mais je pense que les organisateurs de la série m’ont choisie pour accompagner Ana car nos cheminements ont certaines similitudes. On n’est pas allées dans une école de cuisine, on était prédestinées à un autre métier que celui de chef – elle a fait des études diplomatiques et moi littéraires –, notre restaurant n’est pas situé dans une grande ville, on a amené la gastronomie à la campagne et c’est ce qui nous a fait connaître, etc.»Colombe sur l’apport des femmes en cuisine
«J’ai assisté l’an dernier au Forum Parabere [un forum international annuel sur les initiatives féminines en gastronomie], où il a été question de parcours de femmes vraiment variés. Il y avait une Canadienne qui avait travaillé à changer des menus d’hôpitaux, une chef qui avait mis sur pied un bistro à Londres avec des femmes immigrées, une militaire américaine qui avait été déployée en Afghanistan et qui avait décidé d’y retourner pour créer une coopérative de cueillette de safran avec des femmes afghanes. L’apport des femmes en cuisine est très différent de celui des hommes. Les femmes cuisinent par générosité, par don de soi, pour faire du bien, pour nourrir et pour rendre les gens heureux. Elles ne cherchent pas nécessairement la reconnaissance. Je ne dis pas que les hommes ont moins cette sensibilité-là, mais leur côté masculin fait d’eux des chefs plus compétitifs que les femmes.»«L’homme et la femme sont différents. C’est comme ça et c’est correct comme ça. L’important, c’est de rester soi-même. Je suis une personne très artistique et sensible. Ça se répercute dans ma cuisine. J’adore aussi faire des énormes pièces de viandes braisées. Selon moi, l’union fait la force et une cuisine est complète quand elle est féminine et masculine, et peu importe qui est derrière, une femme ou un homme.»