Anaïs Flebus, du Témiscamingue à New York - Caribou

La route des vins d’Anaïs Flebus entre le Témiscamingue et New York

Publié le

02 avril 2025

Texte de

Sophie Mediavilla-Rivard

Anaïs Flebus se pince encore parfois lorsqu’elle déguste des vins en plein New York, aux côtés de sommités de la sommellerie. À 26 ans, elle est bien loin de son Témiscamingue natal, quelque part dans le cellier du restaurant étoilé Per Se. Premier texte d’une série de portraits sur des Québécoises et Québécois qui rayonnent sur la scène culinaire internationale.
Anaïs Flebus
Anaïs Flebus se pince encore parfois lorsqu’elle déguste des vins en plein New York, aux côtés de sommités de la sommellerie. À 26 ans, elle est bien loin de son Témiscamingue natal, quelque part dans le cellier du restaurant étoilé Per Se. Premier texte d’une série de portraits sur des Québécoises et Québécois qui rayonnent sur la scène culinaire internationale.
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Plus grand que la panse

L’art de la table a toujours été central dans l’écosystème d’Anaïs. Gourmets et amateurs de bon vin, ses parents sont les propriétaires de l’entreprise ville-marienne Les Chocolats Martine et les cofondateurs de la Foire gourmande de l’Abitibi-Témiscamingue et du Nord-Est ontarien : deux institutions agroalimentaires de la région. Suivant leur sillage et avide de grandeurs, elle a d’abord choisi d’aller étudier en cuisine à Ottawa, puis de poursuivre son parcours en se spécialisant en pâtisserie à l’Institut de Tourisme et d’Hôtellerie du Québec (ITHQ). Réalisant finalement que ce n’était «pas son truc», elle s’inscrit dans le cours de sommellerie de l’ITHQ. «J’ai vraiment pogné quelque chose», m’a lancé la jeune femme lors de notre appel vidéo.

Son talent est rapidement reconnu, puisqu’elle reçoit, en 2023, une bourse Chefs Relais & Châteaux, propulsée par l’ITHQ. Cette récompense s’accompagne de  de perfectionnement d’un étudiant à l’international dans des établissements de renom, et ce dans n’importe quel domaine. Anaïs choisit de se concentrer sur l’univers vinicole et se lance d’abord dans un stage de trois mois en sommellerie au restaurant La Scène à Paris, puis dans un autre de la même durée au Per Se. Après à peine deux semaines, elle s’y fait offrir un emploi (qu’elle occupe encore présentement). Et le troisième projet? Payer les frais de sa certification au Court of Master Sommelier, l’organisation éducative par excellence pour se perfectionner en sommellerie. Ses objectifs professionnels ont alors complètement pivoté vers le vin, laissant de côté la cuisine et la pâtisserie.

Le fameux Per Se

D’inspiration française, le Per Se est l’un des deux restaurants trois étoiles Michelin du chef Thomas Keller. Inauguré en 2004, il est situé en plein centre de Manhattan, à deux pas de Central Park. Le Per Se a gagné un Grand Award pour sa carte des vins en 2013 — seuls 96 établissements à travers le monde se sont mérité cette récompense. Fait intéressant, le chef Keller apparaît dans la populaire série The Bear, où on le voit travailler à son autre restaurant, The French Laundry.

«La sommellerie, ça me passionne. Vraiment. Mais je ne sais pas si c’est ma passion. Ma passion va au-delà de ça, c’est la gastronomie, l’art de la table, le service, rendre un moment — un souper au restaurant — extraordinaire pour quelqu’un.»
Anaïs Flebus

Soif de connaissance

Les journées d’Anaïs sont chargées: elle travaille entre 50 et 55 heures par semaine. Avant que la sommelière n’entre en scène sur le plancher du restaurant pour conseiller les clients, bien des choses s’orchestrent en coulisses.

Anaïs dans la cave à vin du Per Se.

Elle raconte avec animation l’une de ses tâches favorites: «On a une super belle cave à vin dans le restaurant qui est au 4e étage. C’est là qu’on va chercher nos bouteilles pendant le service. Mais puisqu’on roule sur un inventaire de plus de 12 000 bouteilles, on ne peut pas toutes les mettre en haut. Donc, on a une autre cave à vin qui est au 2e étage. Moi, ce que je fais, c’est d’aller chercher les bouteilles au 2e pour qu’on en ait au moins deux de chacune au 4e

À trois heures, c’est l’heure du lunch. «Il y a toujours une salade, des légumes, des féculents, une protéine, un dessert, un Gatorade. Quand tu travailles en restauration, tu es un athlète!» L’équipe se rencontre ensuite pour faire le point sur la soirée à venir, puis le bal commence. Anaïs met à profit son expertise en offrant un service «ultra-personnalisé», proposant des accords mets et vins adaptés aux demandes de chaque tablée. «Mes connaissances sont constamment mises à l’épreuve, explique-t-elle. Chaque jour, je suis contente de savoir tout ce que j’ai appris, j’ai plein de notes.»

La jeune femme se réserve d’ailleurs deux heures d’étude quotidienne, de 11h à 13h, pour continuer de parfaire sa maîtrise du domaine. La passionnée admet pouvoir passer des heures à lire sur les barils de bois ou sur les millésimes…

«En ce moment, j’étudie pour faire le troisième niveau du Court of Master Sommelier.» Le programme est divisé en quatre certifications: Introduction, Certified, Advanced et Master. À travers le monde, seuls 279 professionnels ont atteint le dernier stade et détiennent le titre de Master Sommelier, dont les Québécois Élyse Lambert et Pier-Alexis Soulière.

 

«Si je n’avais pas été formée à l’ITHQ, je ne serais pas capable de performer dans un restaurant Michelin.»
Anaïs Flebus

Le rêve américain d’une sommelière

La native de Ville-Marie prévoit continuer de s’épanouir dans la mégapole, où elle vit avec son copain (qui travaille également en restauration) depuis maintenant un an. Après avoir évolué en France, elle a réalisé apprécier davantage le rapport au travail nord-américain. «On travaille très fort, de longues heures, c’est dur, mais ce n’est pas nécessairement une compétition et c’est remarqué [par nos patrons]», souligne Anaïs. Et après avoir évolué au Québec, elle constate que son métier est davantage valorisé à New York. «Ici, si tu dis que tu es sommelier, les gens savent ce que tu fais vraiment et tu as plus de débouchés.»

La Québécoise décrit la ville comme une «plaque tournante au niveau du vin». Et c’est au cœur de toute cette action vinicole qu’elle prospère et murit — telle une bonne bouteille.

Les vins favoris d’Anaïs

«J’aime beaucoup les vins de ces régions viticoles: Bordeaux, Bourgogne, Champagne. Ce sont des classiques qui jouissent d’une grande réputation et ce n’est pas pour rien. Et j’ai toujours eu un faible pour le savagnin du Jura. Mais récemment, – et c’est une des raisons pour lesquelles je suis venue aux États-Unis –, j’ai pu goûter à ce qui se fait ici. Il y a notamment des supers de bons pinots noirs produits en Oregon...»
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