La conservation des aliments, vue par des chefs - Caribou

La conservation des aliments, vue par des chefs

Publié le

20 octobre 2025

Texte de

Sophie Ginoux

Manger local, est-ce vraiment possible tout au long de l’année? Absolument, selon plusieurs chefs et restaurateurs, qui ont incarné leur vision et leurs valeurs personnelles dans une série de méthodes de conservation tout à fait adaptables dans nos chaumières.
conserves
Photo: Édouard Planche-Frechette
Manger local, est-ce vraiment possible tout au long de l’année? Absolument, selon plusieurs chefs et restaurateurs, qui ont incarné leur vision et leurs valeurs personnelles dans une série de méthodes de conservation tout à fait adaptables dans nos chaumières.
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Les conserves de John Winter Russel

Quand le restaurant Candide a ouvert ses portes dans une bâtisse patrimoniale de la Petite-Bourgogne montréalaise il y a précisément 10 ans, le chef propriétaire John Winter Russel a choisi de se distancier de l’approche habituelle voulant qu’on utilise des ingrédients québécois en saison, puis qu’on s’approvisionne ailleurs le reste de l’année.

«Je suis parti du principe que ce que j’achetais ici était meilleur, mais aussi que je pouvais éviter la volatilité des coûts en m’approvisionnant en période d’abondance. Et je voulais du même coup soutenir de petites entreprises comme la mienne.»
John Winter Russel

Afin de maximiser l’espace restreint dont il dispose, le chef prévoit chaque été des séances de transformation quotidiennes de 30 à 45 minutes, en misant sur le séchage et la mise en conserves de beaucoup de légumes, fruits et aromates.

«Tomates, asperges, fenouil, poivrons, livèche, champignons, gingembre, prunes, etc. Tout est lavé, coupé, séché, mariné ou réduit en purée. Et si certains fruits, par exemple des fraises, sont moins beaux, nous les déshydratons et les transformons en jus», indique le chef, qui apprécie la concentration et l’amélioration des saveurs que cette transformation apporte.

Les portions congelées de Tim Moroney

Faire rimer restauration avec développement durable: voici le défi que s’est lancé le chef propriétaire Tim Moroney en ouvrant à Québec le restaurant Alentours, qui a reçu cette année une étoile verte Michelin. «C’est notre ligne directrice, confirme-t-il. Nous prouvons qu’il est possible d’utiliser efficacement nos ressources, sans gaspillage, tout au long de l’année. Et qu’en fin de compte, un pain aux pommes locales est meilleur sur tous les plans qu’un pain aux bananes importées.»

Au restaurant Alentours, le chef pense son approvisionnement sur une base annuelle. Au printemps, il dresse une liste de tous ses achats locaux des mois suivants. Tomates, poivrons, maïs, curcuma, courges, betteraves, fines herbes…

«Nous ne fonctionnons pas à la saison, mais en fonction d’un inventaire qui s’étire sur 12 ou même 18 mois. Si bien que dès que nous recevons des ingrédients, nous arrêtons immédiatement leur vieillissement.»
Tim Moroney

Il ne faut cependant pas procéder n’importe comment pour rentrer l’équivalent de 150 kg de fruits, légumes et épices dans une seule chambre froide. La plupart du temps, Tim Moroney les lave, les coupe, les portionne et les congèle. «Mais si je souhaite obtenir des goûts spécifiques, je peux aussi sécher, confire, fermenter ou mettre en conserve», ajoute-t-il.

Le laboratoire de conservation de Perle Morency et Kim Côté

Il y a toujours de belles choses qui mijotent dans la tête des deux propriétaires du restaurant Côté Est, établi à Kamouraska. Engagés depuis longtemps dans la promotion de l’alimentation locale, ils ont remporté en 2024 le prix Restaurateurs Aliments du Québec au menu, en plus d’un Bib Gourmand en 2025.

«Que ce soit dans nos restaurants [le duo en possède trois], notre boutique ou notre espace culinaire, nous menons une mission pédagogique pour mettre en avant tout ce qu’il y a de meilleur à l’est du Québec, et questionner notre identité culinaire d’hier et de demain.»
Perle Morency

À cette fin, les restaurateurs ont transformé leurs cuisines en laboratoire culinaire, avec à la clé de multiples manières de conserver (et donc d’apprêter) leurs ingrédients locaux. Mise en conserve, déshydratation, congélation, pasteurisation, lyophilisation, lactofermentation, fumaison; rien n’est à leur épreuve pour sauvegarder, voire bonifier tout ce qui tombe entre leurs mains, jusqu’aux fanes de carottes et tiges d’oignons qu’ils transforment en une version personnelle d’herbes salées du Bas-Saint-Laurent. Inspirant, n’est-ce pas?

Les trucs des chefs

Il vaut mieux privilégier des ingrédients de base qu’on est sûr d’utiliser, sans les transformer outre mesure. Par exemple, pour gagner du temps en saison, réduisez simplement des tomates en purée plutôt que de les cuisiner tout de suite en sauce à spaghetti.

En congelant vos fruits et légumes coupés avant de les glisser dans un contenant, il est plus facile d’y puiser la quantité désirée au fur et à mesure. Portionner des sauces et préparations diverses est également synonyme de gain de place et de praticité.

Conservez les produits qui sont abondants (inutile de faire des conserves de salicorne), et adaptez la méthode de conservation pour chacun d’entre eux. Des fleurs comestibles peuvent être séchées, des jerkys cuits au four, certains champignons déshydratés et réduits en poudre, etc.

Des livres sur la conservation

  • On Food and Cooking: The Science and Lore of the Kitchen, d’Harold McGee. Selon John Winter Russel, cet ouvrage de science vulgarisée répond à toutes les questions qu’on peut se poser sur la chimie des aliments.
  • Le guide de fermentation du Noma, de René Redzepi et David Zilber. Perle Morency considère ce livre comme une bible sur la lactofermentation.
  • Les conserves, d’Oded Schwartz. Ce guide renferme, selon Perle Morency, toutes les bases nécessaires, ainsi que des recettes incroyables.
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