— Ton entreprise, Marianne Lefebvre, Nutrition d’ici et d’ailleurs, a célébré ses 10 ans cette année. Concrètement, quel est ton travail?
Je travaille principalement avec des organisations. J’œuvre par exemple avec des villes, des entreprises ou des musées pour lesquels j’organise des ateliers ou des événements qui visent à faire connaitre les différentes cuisines du monde. Mon idée, c’est de me servir de la nourriture pour rassembler les gens. Je trouve que c’est une avenue qui est peu exploitée au Québec et j’y crois beaucoup. C’est justement pour cette raison que j’ai travaillé sur le livre.
— Tu souhaites que ton livre rassemble les gens de différentes cultures?
Oui, j’ai voulu offrir une vitrine aux immigrants et les faire connaitre sous un autre angle. Je souhaite faire une place, dans l’univers de nos livres de recettes, aux gens des autres communautés parce qu’ils ont beaucoup à apporter à notre culture culinaire. Je trouve qu’on parle souvent des immigrants en termes de masse alors j’avais envie de les humaniser à travers leur parcours de vie, leur histoire et leurs traditions culinaires. Au final, mon livre est un prétexte pour ouvrir le dialogue avec l’Autre parce que la nourriture est une bonne façon de créer des liens. Tout le monde mange et au Québec particulièrement, nous sommes très curieux gustativement parlant.
— Comment as-tu choisi les recettes qu’on trouve dans le livre?
Il y a une quinzaine de communautés représentées dans le livre couvrant le Maroc, le Bénin, l’Italie, le Pérou, la Bolivie, le Mexique, le Kazakhstan, les Philippines, l’Israël, le Laos, le Liban, la Syrie, la Turquie, entre autres. J’y suis simplement allée avec de belles rencontres que j’avais faites au cours de ma vie, avec des personnes que je trouvais inspirantes. J’avais vécu de beaux moments à l’Université avec les deux femmes africaines qui partagent leurs recettes, un ami turc m’a référée à la dame de la Turquie et pour les recettes du Laos, j’ai demandé à mon esthéticienne avec qui j’avais un plaisir fou à papoter en me faisant épiler. Dans certains cas, les gens sont venus à la maison, dans d’autres cas, je suis allée chez eux afin de cuisiner. Les recettes ont toutes été adaptées aux aliments que l’on retrouve ici. On propose aussi souvent des variantes.
— Justement, les aliments disponibles ne sont pas les mêmes d’un pays à l’autre: quels sont les obstacles auxquels font face les Néo-Québécois s’ils veulent bien s’alimenter?
C’est prouvé: quand les Néo-Québécois arrivent au Québec, ils sont la plupart du temps en très bonne santé. Mais plus ils restent au Canada, plus leur état se dégrade, pour diverses raisons, entre autres parce qu’ils manquent de connaissances pour cuisiner les aliments d’ici. Ça m’est moi-même arrivé la première fois que je suis allée en Haïti. Dans ma cuisine, je me considère comme assez douée, mais là-bas, au début, j’étais incapable de cuisiner quoi que ce soit ! Par exemple, je n’avais jamais préparé du manioc, encore moins sur un feu de bois…
Par ailleurs, dans bien des cas, le budget que les familles immigrantes peuvent consacrer à la nourriture est limité, au moins pendant les premières années. Inévitablement, les gens sont donc moins portés à acheter des aliments qu’ils ne connaissent pas, et c’est normal! Quand on a un petit budget, on y va avec des valeurs sûres que toute la famille va aimer, comme du riz et des pâtes alimentaires.