Grincement de dents de Sandra Gauthier: Remettons les poissons du Québec dans l'assiette des Québécois - Caribou

Grincement de dents de Sandra Gauthier: Remettons les poissons du Québec dans l’assiette des Québécois

Publié le

02 avril 2017

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Plus grand que la panse

Sandra Gauthier est la directrice d'Exploramer, un musée situé à Sainte-Anne-des-Monts, en Gaspésie, dont la mission est de sensibiliser la population à la préservation et à la reconnaissance du milieu marin du fleuve Saint-Laurent. Avec sa certification Fourchette bleue, Exploramer contribue depuis 2009 à la saine gestion des ressources marines en publiant une liste des espèces comestibles du Saint-Laurent dont les stocks se portent bien et proviennent de pratiques de pêche et de culture durables. Sandra Gauthier grince des dents à l’idée que ces espèces souvent méconnues quittent massivement la province avant que les gourmands d'ici n'aient la chance de les déguster. Caribou lui tend le micro.

Un texte de Julie Aubé Photo de Caro Vuko

Pourquoi connaît-on si peu la grande argentine, le gaspareau, le merlu argenté ou le couteau droit? Certaines des 40 espèces de la liste de Fourchette bleue sont quasi entièrement vendues à des étrangers, prêts à payer pour la valeur de notre ressource, ce qui n'a pas toujours été le cas des Québécois. Au Québec, on importe de grandes quantités de poissons exotiques, majoritairement d'élevage (impliquant une qualité d'eau moindre, l’utilisation d’hormones, etc.) au lieu de miser sur nos richesses marines, provenant d'un milieu naturel dont la qualité de l'eau est exceptionnelle. C'est triste de troquer la finesse de nos poissons d'eau froide pour du bas de gamme étranger (tilapia, pangasius, crevettes tigrées, etc.). Cela dit, les temps changent: on sent un intérêt grandissant pour l'alimentation locale.

À lire aussi : Parlons poisson avec Normand Laprise

Comment s'y prendre pour servir les poissons du Québec à la table des Québécois? En plus d'adopter une approche résolument positive en insistant sur les espèces à privilégier plutôt que sur celles à éviter, on travaille de près avec les restaurateurs. En constante quête de nouvelles saveurs, ils sont très ouverts aux richesses du Saint-Laurent. Les restaurants certifiés Fourchette bleue sont tout indiqués pour découvrir ces espèces méconnues, apprêtées avec doigté! Le bourgot en est un bel exemple. Très peu connu il y a 10 ans, il a gagné en popularité lorsque des chefs l’ont mis au menu, permettant une première approche aux consommateurs.

Les consommateurs trouvent-ils facilement les espèces Fourchette bleue ailleurs qu'au restaurant? Si les Québécois les demandent aux poissonniers, ces derniers constateront la demande et en garniront leurs comptoirs! Les poissonniers peuvent aussi nous contacter: en certifiant une poissonnerie, Fourchette bleue facilite leurs démarches avec un répertoire des fournisseurs d'espèces du Saint-Laurent et une liste de leurs produits. Comme consommateur, on ne «subit» pas le système, on en fait partie et on peut le faire évoluer en persistant à demander les espèces du Saint-Laurent aux poissonniers. Il faut aussi accepter de payer un peu plus cher pour des crevettes nordiques plutôt que tigrées, ou pour du turbot ou de la baudroie plutôt que du pangasius ou du tilapia.

Ça vaut le coup quand on sait qu'on gagne en qualité, qu’on soutient une industrie locale et qu’on fait un choix sensé du point de vue écologique.

Le Saint-Laurent regorge de poissons méconnus, souvent pêchés en même temps que les poissons de fond comme le turbot. C'est ce qu'on appelle les prises accidentelles. Ces espèces savoureuses sont pourtant souvent gaspillées puisqu'elles ont peu de valeur commerciale. Si elles trouvaient preneur à la poissonnerie, le pêcheur aurait moins de coups de chalut à donner pour rentabiliser sa sortie en mer au lieu d’avoir à miser uniquement sur une ou deux espèces recherchées. Ce serait gagnant pour l'écosystème, le pêcheur et le consommateur, pour qui tous les poissons constituent une option délicieuse. Plusieurs espèces de Fourchette bleue, comme le capelan et la baudroie, sont souvent des prises accidentelles qu'on gagne à découvrir et savourer. Demandez-les!

Outre les poissonneries, comment rejoindre la majorité des gens qui fait ses courses en supermarché? Certains de nos produits marins sont exportés en si grande quantité que s’ils étaient redirigés vers les supermarchés, on aurait le volume requis pour les approvisionner. Quel supermarché deviendra le premier certifié Fourchette bleue? Contactez-nous, on va jaser de projet pilote! Il y a encore tant à faire pour garnir l’assiette des Québécois des durables et délicieux produits du Saint-Laurent. C'est stimulant!

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Pour aller plus loin, lisez le reportage À la poursuite du poisson voyageur, paru dans le numéro 4, EAU, en vente dans note boutique en ligne.

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