— Dans ton livre, tu utilises le terme «manger près» plutôt que manger local. Pour toi, où est la distinction?
Manger près, c’est comme une précision supplémentaire que j’ajoute à l’idée de manger local, qui est comme la grande idée fondatrice. Manger local, ça se réfère à un aspect plus géographique. Pour certains, manger local ça va être de s’approvisionner dans leur région, pour d’autres c’est de manger des produits du Québec. L’idée de manger près implique plusieurs volets, qui ne sont pas que du kilométrage. C’est la proximité avec la nature. C’est de savoir d’où viennent nos aliments, par qui ils ont été produits et de quelle façon. C’est aussi la proximité des aliments avec leur propre nature, donc des aliments peu transformés, qui ne sont pas dénaturés. Et finalement, c’est la proximité affective avec les gens qui ont produit les aliments, avec le territoire. D’apprendre à aimer nos saisons, nos aliments, les gens qui les ont produits fait qu’on mange avec gratitude. Plus rien n’est anodin dans notre alimentation parce que plus rien n’est anonyme quand on peut associer des histoires, des paysages, des villages à nos aliments. Ça change notre rapport à l’alimentation parce que ça devient précieux.
— J’ai l’impression que ton livre trouve toute sa pertinence entre autres parce que cette démarche que tu expliques dans ton livre, tu l’as vécue. Tu es passée par ce chemin-là…
Tout à fait. Je suis tombée en amour avec les agriculteurs, l’agriculture durable, le territoire agricole nourricier. Je veux mettre de la proximité dans chacun de mes repas, donc je m’approvisionne par toutes les façons qui sont proposées dans le livre: je vais dans les marchés, je commande des paniers, je visite les kiosques à la ferme, etc. Mais ça prend des petits trucs pour gérer du volume et j’en ai développés plusieurs au fil des années. À un certain moment de l’année, tu as les laitues, les épinards, le kale et en plus, les fanes de betteraves, de radis, de carottes… ça en fait de la verdure! Les gens qui ont des paniers bios vont tous un jour ou l’autre vivre la culpabilité d’avoir beaucoup d’un légume au même moment. C’est ça la nature: il y a des petits pics de récoltes à certains moments et c’est le temps de les célébrer frais, quand c’est la période, et de bien valoriser ces aliments-là pour en profiter tout au long de l’année. Pendant six mois, c’est le temps de manger les aliments frais quand c’est la saison et d’en faire des provisions, mais pendant les autres six mois, c’est le temps de les manger ces provisions-là, en complément des légumes d’hiver (les légumes de conservation comme les carottes, les pommes de terre, les betteraves, etc.). Le but, c’est d’arriver au mois d’avril d’après et de ne plus avoir de provisions, afin d’être prêts à recommencer à en faire de nouvelles.