— Dans L’effet Bocuse d’Or, vous dites que la cuisine c’est comme une drogue pour vous, que vous carburez à ça. Comment vous êtes-vous senti après la compétition, quand la pression est retombée?
J’aimerais ça te parler au passé, mais je ne peux pas, parce que je vis encore ce backlash-là, j’ai encore ce craving d’adrénaline-là. Ça me manque profondément de toujours être avec le même monde. On a passé deux ans vraiment tissés serrés, on se voyait ou on se parlait tous les jours. C’est comme une peine d’amour: il y a ce fond de déprime, avec cette espèce de sensation d’avoir un ressort au fond de moi pour rebondir sur quelque chose. Et ce quelque chose là, je l’attends.
— On parle de deux ans de préparation à temps plein pour le concours. Ça vous a fait quoi de retrouver le train-train quotidien?
C’est une préparation qui exige beaucoup de temps, mais pas que de temps de travail en cuisine! Ça exige de l’organisation, ça exige de la réflexion. Même quand tu es en moment de repos, ton cerveau continue toujours à réfléchir: comment je peux faire ci? Comment je peux faire ça? Ça aussi, ça me manque, parce que le retour sur Terre implique nécessairement de réfléchir aux choses de monsieur et madame Tout-le-Monde. Au niveau psychologique, tant et aussi longtemps que tu ne trouves pas autre chose, tu es un peu dans un espace vide. Ce n’est pas tout noir, mais c’est moins goûteux.
— Vous faites le comparatif entre la compétition et un coup de foudre. Est-ce que c’était la première fois que vous viviez quelque chose d’aussi fort, comme un premier amour?
Au niveau de la cuisine, oui, définitivement. Je n’ai pas de comparatif à l’heure d’aujourd’hui. Ç’a été tellement de belles choses qui se sont produites que non, il n’y a pas grand-chose de plus fort que tout ça. Tu sais, demain matin, Gilles ou Léandre me demandent de faire quoi que ce soit, je n’y pense même pas. La réponse, c’est oui. Pour moi, ça va de soi. Ce sont des personnes qui ont tout donné, qui ont été hyper généreuses avec moi, qui ont été là, qui ont été présentes mentalement et physiquement.
— Donc vous demeurez en contact, Gilles, Léandre et vous, depuis la compétition?
Définitivement, Gilles et moi, on continue à se parler régulièrement. Il y a peut-être des projets qui s’en viennent, on l’espère. Tu sais, en cuisine, ce gars-là, il m’a tout donné de ses connaissances, il était d’une générosité sans borne avec nous. Il a vraiment ouvert les livres, ouvert son esprit, ouvert ses connaissances, ouvert tout. Je bénéficie encore de cet apprentissage-là.
Évidemment, Léandre étant plus jeune que nous, il a d’autres choses à explorer, il peut voyager, faire des stages et travailler à gauche et à droite. On suit son parcours de près.
— Le Bocuse d’Or, c’est l’expérience d’une vie. Qu’est-ce que vous en retenez?
Je pense que s’il y a quelque chose dans la vie que j’ai compris avec ce concours, c’est que de un: je ne sais rien en cuisine. De deux: si tu veux avancer dans ce métier-là, ça te prend un minimum d’humilité. Puis de trois: en étant tout seul, tu n’arrives à rien. C’est vraiment un travail d’équipe.
Outre ces trois points-là, la leçon de vie que j’ai eue, c’est que quand tu as un rêve, tout est possible. L’une des raisons pour laquelle j’ai fait ce concours-là, c’était pour montrer à mes étudiants, peu importe le niveau, que quand tu as un objectif dans la vie, tu peux y arriver. C’était une leçon d’espoir que je voulais transmettre à cette jeunesse-là, qui est un peu désabusée parce qu’il y a un paquet de problèmes qui se produisent, tant au niveau écologique, économique, politique… Et cet espoir-là, je l’ai eu jusqu’à la fin. En faisant le concours, tu te donnes la preuve à toi-même que les choses sont possibles si tu travailles fort, si tu y mets du tien, si tu t’entoures des bonnes personnes.
Au-delà de tout ça, c’est d’avoir découvert qu’une aventure humaine peut être magnifique. Je sors grandi de tout ça. J’espère que le prochain candidat aura aussi cette possibilité de grandir et de faire rayonner notre réalité canadienne, avec notre agriculture, notre culture et avec les artisans qu’on a ici.