— Après 25 ans, est-ce que vous trouvez qu’on a développé une identité viticole propre au Québec?
Mike: Tout à fait. Quand on voyage, et qu’on boit du vin d’ailleurs, on se dit souvent qu’on a hâte de revenir aux vins blancs du Québec. Ils sont légers, ils ne sont pas surfaits, ils ont un équilibre incroyable entre l’alcool et l’acidité. C ‘est sûr qu’il y a des trucs fantastiques qui se font ailleurs dans le monde, mais je trouve que c’est incroyable ce qu’on a comme blancs au Québec.
— Selon vous, quelle est votre contribution à la viticulture d’ici?
Véro: Je dirais que nous avons prouvé qu’on pouvait avoir du volume et de la qualité avec les vitis viniferas au Québec. Il y en avait avant nous qui avait tenté l’expérience, mais beaucoup avaient arraché leurs vignes car il n’avaient pas été satisfaits des résultats.
Mike: Le vignoble Négondos était certifié bio avant nous. Quand on s’est mis nous aussi en régie bio, on se faisait traiter de fous, de menteurs. On nous disait que c’était impossible d’être bio au Québec en viticulture. On a prouvé le contraire, on a montré comment on pouvait le faire. Puis aujourd’hui, il y a vraiment une tendance vers la viticulture biologique au Québec.
On a commencé à afficher qu’on était certifié bio puis biodynamique sur les étiquettes en 2019 seulement, quand on a refait notre image de marque. Ce n’était pas sur les étiquettes avant car on le faisait vraiment pour nous.
En 2015-2016, on avait une bonne partie de nos vins qui étaient faits sans intrant. Ils étaient juste un petit peu sulfités à l’embouteillage. Tout le monde disait qu’on faisait des vins natures. On a réalisé qu’il y avait un gros flou dans tout ce qui était vins nature donc on ne voulait pas utiliser ce terme. Comme on avait une gamme sans intrant et une avec et on s’est juste dit «les vins qu’on fait sans intrants, on les aime, faisons toute la gamme sans intrant». Donc aujourd’hui, on ne dit pas qu’on fait des vins nature, on dit qu’on fait des vins sans intrant.
— Pensez-vous que c’est plus facile partir un vignoble aujourd’hui que ça l’a été pour vous il y a 25 ans?
Mike: Le marché est plus facile. Le financement est plus facile. Les terres sont plus chères aujourd’hui, mais il y a tellement plus d’aide, plus de subventions, c’est fou. Nous, on ne recevait rien! Aujourd’hui, je vois des jeunes qui commencent: ils n’ont pas encore de raisins mais ils ont déjà une étiqueteuse! Moi j’en ai eu une en 2016 seulement, près de 20 ans après nos débuts! Ils sont tous super équipés. Tu vas dans leur chai et tout est neuf!
Véronique: Il y a des choses qui sont peut-être plus faciles, d’autres moins. Les maisons sont tellement chères, les salaires à verser sont plus élevés. Oui, le marché est quand même plus facile, mais certains marchés, par exemple, celui des ventes en épicerie, ont ralenti.
— Plusieurs personnes sont passées chez vous avant de partir leur vignoble ou pour parfaire leurs connaissances viti-vinicoles. Qu’est-ce que ça vous apporte de travailler avec la relève?
Véro: Quand on a parlé tantôt de ce qui nous alimente et de ce nous donne encore envie de faire du vin après 25 ans, ça c’est une autre raison: continuer d’avoir des jeunes avec nous.
Mike: On adore avoir le point de vue des jeunes sur ce qui se passe dans le monde du vin, leur manière de voir l’agriculture. Ils sont inspirants pour nous aussi car ils arrivent avec beaucoup de connaissances, ils sont super instruits, ils savent ce qu’ils veulent. Ils ont des visions différentes des nôtres et on peut apprendre d’eux.
Et quand tu es le mentor de quelqu’un, tu ne peux pas dire de niaiseries et tu ne veux pas lui montrer tes mauvaises habitudes! Donc, avoir quelqu’un qui est chez toi pour apprendre ça te pousse à améliorer tes pratiques. Ce qui est bien aussi, c ‘est que ça devient des amis et on partage beaucoup. On s’appelle les uns les autres pour avoir des avis. Ça crée une belle synergie.