Les premiers whiskys fermiers québécois - Caribou

Les premiers whiskys fermiers québécois

Publié le

13 février 2024

Texte de

Geneviève Quessy

Photos de

Geneviève Quessy

Depuis 2015, on peut trouver des whiskys québécois sur les tablettes de la SAQ. La plupart des distillateurs québécois fabriquent leur whisky en distillant un moût de grains, avant de le faire vieillir en barriques pendant trois ans, tel que requis par l'appellation whisky canadien. Certains poussent aujourd’hui l'exercice encore plus loin et cultivent eux-mêmes leur orge, blé, maïs, ou seigle. Les «whiskys fermiers» qui en découlent commencent tranquillement à faire leur apparition sur le marché.
Michel et Jean Dubé, deux des six actionnaires de la Distillerie Côte-des-Saints.
Depuis 2015, on peut trouver des whiskys québécois sur les tablettes de la SAQ. La plupart des distillateurs québécois fabriquent leur whisky en distillant un moût de grains, avant de le faire vieillir en barriques pendant trois ans, tel que requis par l'appellation whisky canadien. Certains poussent aujourd’hui l'exercice encore plus loin et cultivent eux-mêmes leur orge, blé, maïs, ou seigle. Les «whiskys fermiers» qui en découlent commencent tranquillement à faire leur apparition sur le marché.
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Ainsi, quelques versions du whisky single malt de la Distillerie Côte-des-Saints ont d’abord été lancées depuis l’automne dernier. Dans quelques mois, la Distillerie Grand Dérangement embouteillera son whisky de type bourbon, et en 2025, on attend celui de la Ferme brassicole et distillerie Terre à Boire. D’autres fermes distilleries, comme la Distillerie Shefford et Vice Et Vertu sont aussi dans la course.

Le vieillissement en barrique donne au whisky tout son caractère, selon qu’il soit élevé en fût de chêne, ou dans des barils ayant précédemment contenu d’autres alcools, de façon à lui transférer leurs parfums. Toutefois la qualité du grain dont il est issu a aussi son importance. C’est la raison pour laquelle ces passionnés ont choisi de cultiver eux-mêmes leur matière première. Une démarche qui mérite d’être reconnue, pensent-ils.

«En Europe, c’est dans la culture. Les gens connaissent le travail qu’il y a derrière ça et ils sont prêts à payer plus cher pour le produit. Ici, il y a toute une éducation à faire», dit Michel Dubé, l’un des six actionnaires de la Distillerie Côte-des-Saints, laquelle est née du désir de ses fondateurs «de produire un whisky québécois d’inspiration écossaise capable de rivaliser avec les meilleurs au monde».

L'alambic servant à distiller le whisky à la Distillerie Grand Dérangement.
Le champ d'orge de la Distillerie Côte-des-Saints.
Crédit photo: Courtoisie Côte-des-Saints

Derrière la distillerie de Mirabel s’étendent les champs d’orge, entretenus par un fermier engagé. «On a choisi de faire du single malt, un whisky à base d’orge exclusivement. C’est le vieillissement dans différentes barriques qui lui donnera son identité. On a testé plusieurs variétés d’orge brassicole, et on se dirige vers une en particulier, qu’on a choisi pour son rendement, mais aussi pour son taux de sucre et ses qualités aromatiques», relate Michel Dubé.

Le whisky peut être fabriqué à base d’orge, mais aussi de maïs, de blé ou de seigle, selon la recette choisie par le distillateur. La qualité du grain est primordiale, et pas seulement pour ses propriétés organoleptiques.

«Le goût du whisky vient de la barrique, bien sûr, mais aussi du mélange de grains choisi, soit la proportion d’orge, de maïs ou de seigle. La levure a aussi son importance, ainsi que la température de fermentation qui permet d’aller chercher une harmonie. Ça prend un grain de qualité, également pour la raison qu’il faut pouvoir le faire malter. Ce qui est d’autant plus important pour moi qui travaille en bio, car je n’ai pas le droit de rajouter d’enzymes liquides», dit Marcel Mailhot, producteur agricole et cofondateur, avec son neveu Jean-Philippe Rail, de la Distillerie Grand Dérangement de Saint-Jacques-de-Montcalm.

Même pour un agriculteur aguerri, se lancer dans la culture d’orge brassicole est tout un défi, particulièrement sous notre climat humide. En effet, tout grain qui sort du champ n’est pas forcément maltable.

La première étape du maltage est de faire germer le grain, afin de donner le temps aux enzymes de transformer l’amidon en sucre. Le grain est ensuite chauffé et séché, une étape qui détermine si le malt obtenu sera pâle ou foncé, donnant couleur et saveur au produit.  Or, si le grain a déjà germé au champ ou en entrepôt, il ne sera pas classé brassicole.

 

«On ne peut pas ramener un grain mort. S'il est pourri, qu'il y a des champignons ou de l'ergot du seigle, on ne peut pas faire de miracle non plus.»
Raphaël Sansregret, président de la malterie Innomalt

Pour les distillateurs qui cultivent leurs grains, le risque d’une mauvaise saison au champ est toujours présent. «L’été dernier a été catastrophique à cause de la pluie. Pour les détenteurs d’un permis de distillerie artisanal comme nous, les ingrédients de nos produits doivent provenir à 100% de la ferme, alors pour être certains d’avoir ce qu’il nous faut, on doit faire des réserves et stoker une partie de notre grain, d’une année à l’autre», témoigne Samuel Oligny de Terre à Boire, une ferme familiale de Saint-Blaise-sur-Richelieu menée en régie biologique, où sont produits bières et spiritueux.

La production d’orge brassicole est un défi que peu d’agriculteurs choisissent de relever. Or, distillateurs et microbrasseurs cherchent à produire toujours plus d’alcools 100% québécois, faisant grimper la demande en orge maltée. Pour ces distillateurs qui ont choisi de cultiver eux-mêmes leurs propres grains, c’est aussi une façon de s’assurer qu’ils ne manqueront pas de cette précieuse matière première.

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