Tout à coup, pour la nutritionniste habituée à parler de vitamines, manger a eu plus de sens que jamais à cause de la provenance des aliments.
«Dans ce temps-là, on cueillait des pommes, des fraises, mais sans plus. J’ai réalisé que j’étais tannée d’écrire sur les oméga-3 et je me suis mise à vouloir célébrer le tourisme gourmand. J’ai pensé que c’était la façon pour les consommateurs d’avoir le contrôle parce qu’en choisissant l’alimentation de proximité, on fait le choix de l’humain qui nous nourrit, on contrôle mieux les impacts de son alimentation sur la nature et on diminue la distance que parcourent les aliments avant d’arriver dans l’assiette», expose Julie Aubé.
En prenant cette nouvelle direction, la nutritionniste avoue avoir eu peur d’être un mouton noir dans son milieu. «Je voulais arrêter de parler de vitamines pour parler de fermiers, mais en conservant mon chapeau de nutritionniste… Je me demandais comment ça allait être reçu!» Il faut dire qu’au début des années 2010, l’agrotourisme était loin d’être ce qu’il est aujourd’hui. Julie se souvient qu’elle devait à chaque apparition médiatique définir le terme. Mais elle le fait avec passion parce que pour elle, le lien entre nutrition et agrotourisme est clair. «L’agrotourisme n’est pas qu’un loisir: c’est une façon de manger plus sainement parce qu’on mange mieux et plus lentement, qu’on choisit des aliments de base non transformés et qu’on ne veut rien gaspiller d’un produit dont on connaît l’histoire».
Celle qui a grandi dans les forêts des Laurentides estime que ça a été une force pour elle de ne pas venir du milieu agricole. «J’ai le chapeau de citoyenne mangeuse qui découvre tout ça en même temps que les gens. Je me sens comme une courroie de transmission entre les agriculteurs et les consommateurs.»
Provoquer les rencontres
C’est dans cette volonté de partager son message et de faire connaître les agriculteurs que Julie lance en 2016 le livre Prenez le champ! qui est pour elle un point tournant. L’ouvrage qui propose 21 escapades agrotouristiques à travers le Québec lui donne une crédibilité pour parler du sujet. Tellement, qu’elle est approchée pour être porte-parole de la Semaine québécoise des marchés publics, un rôle qu’elle embrasse avec bonheur depuis sept ans. «Avec cette nouvelle mission et mon livre, j’ai eu envie de réparer quelque chose, de reconnecter les consommateurs et les fermiers. Et quand ça passe par le plaisir d’explorer le Québec, de faire des rencontres et de découvrir des produits, c’est toujours plus facile!»
Le livre de Julie connaît du succès, mais elle ne s’assoit pas sur cette réussite, au contraire: elle le prend plutôt comme une assise pour bâtir un nouveau projet. «Dans le livre, je racontais l’histoire des humains producteurs. Je me suis mise à recevoir des commentaires de lecteurs qui allaient dans les entreprises mentionnées pour les rencontrer, mais qui étaient déçus de constater qu’ils étaient occupés.»
Julie se demande donc ce qu’elle peut faire «pour que les rencontres se passent». Elle prend alors probablement des notes dans ses petits cahiers jusqu’à arriver à l’idée des Événements Prenez le champ! dont la première édition a lieu en 2017, un an après la sortie du livre. Le concept? Proposer une dizaine de journées par année où elle convie les consommateurs à une rencontre privilégiée avec des producteurs. Dans des vergers en fleurs, des vignobles ou des serres par exemple, les gens inscrits peuvent rencontrer les artisans, visiter les lieux et déguster des produits qui auront ensuite plus de sens pour eux. La formule est différente selon les saisons et les événements changent chaque année. Méchoui, raclette géante, table champêtre, dîner de style anglais sous un chapiteau: c’est à des expériences agroalimentaires en nature que convie Julie.