Vignoble Rivière du Chêne: 25 ans à toujours vouloir faire mieux - Caribou

Vignoble Rivière du Chêne: 25 ans à toujours vouloir faire mieux

Publié le

14 septembre 2023

Texte de

Geneviève Vézina-Montplaisir

Le Vignoble Rivière du Chêne fête cette année ses 25 ans. Plus de deux décennies à faire partie de la petite histoire du vignoble québécois, jusqu’à s’imposer comme l’un de ses acteurs les plus importants. À la tête du plus gros vignoble de la province on retrouve Daniel Lalande, un vigneron qui a toujours cru au développement de la vigne au Québec. Caribou est allé le rencontrer à son domaine de Saint-Eustache pour discuter du chemin parcouru.
Vignoble rivière du chêne
Photo de Charles Briand
Le Vignoble Rivière du Chêne fête cette année ses 25 ans. Plus de deux décennies à faire partie de la petite histoire du vignoble québécois, jusqu’à s’imposer comme l’un de ses acteurs les plus importants. À la tête du plus gros vignoble de la province on retrouve Daniel Lalande, un vigneron qui a toujours cru au développement de la vigne au Québec. Caribou est allé le rencontrer à son domaine de Saint-Eustache pour discuter du chemin parcouru.
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Comment le projet du Vignoble Rivière du Chêne est-il né?

Cest un hasard! Pendant mes études, jai fait un stage dans le sud de la France où jai visité plusieurs vignobles, mais je naurais jamais pensé à cette époque avoir le mien un jour!

Je suis fils dagriculteur, jai passé mes étés sur la terre qui accueille aujourdhui le vignoble, à cultiver des choux, des choux-fleurs, et du maïs avec mes parents. Au printemps, on opérait une érablière.

J’évoluais déjà dans le milieu agricole quand jai rencontré mon ex-femme, la mère de mes enfants. En 1996, est arrivé le moment où on pensait sacheter une maison ensemble. On a fait une visite dun terrain au bord de leau, à Saint-Eustache, et quand jai partagé à mon père le prix de vente il ma dit: «Vous êtes fous de vouloir payer ce prix-là, je pourrais vous vendre ma terre pour le même prix!» On a ensuite fait une visite du Vignoble de lOrpailleur et jai rencontré Charles-Henri [ndlr: de Coussergues] et il était tellement passionné! Cest là que ça a fait un plus un dans ma tête. Jai commencé à réfléchir au projet dacheter la terre de mon père pour y faire pousser de la vigne. Jai passé deux ans à construire le projet et jai planté mes premières vignes en 1998.

Photo de Marie Charest

Comment était lindustrie viticole québécoise à l’époque et comment a-t-elle évoluée?

Il y a 25 ans, il ny avait pas vraiment dindustrie. Il y avait des vignobles ici et là, mais on nous ne prenait vraiment pas au sérieux. Le gens nous disaient que lon navait pas le climat pour faire du vin. Mais à cette époque, cest plutôt le climat politique quon navait pas pour produire du vin!

En réalité, le climat était déjà très adéquat pour faire pousser certaines variétés de vignes. Les recherches sur les protections hivernales n’étaient cependant pas ce quelles sont aujourdhui. Quand Yvan Quirion du Domaine St-Jacques est arrivé avec son bon coup des toiles hivernales, il nous a dit: «Vous devriez essayer ça!» Il y avait vraiment une différence de rendement. Ça a changé la donne pour le vignoble québécois. En 2013, jai donc commencé à couvrir mes vitis viniferas, mon pinot noir et mon chardonnay.

Ce nest pas parce que je ne croyais pas à nos hybrides que jai choisi du planter aussi des vitis viniferas, cest parce que je voulais prouver quon avait un climat pour cultiver des viniferas au Québec. Aussi, le profil dun vinifera est connu, donc quand les gens goûtaient un chardonnay dici, ils pouvaient avoir des points de référence. Mais cest sûr quil y a un côté nordique et plus de fraîcheur dans un chardonnay dici versus un chardonnay de la Californie ou du Chili.

Jai joint le conseil dadministration du Conseil des vins du Québec en 1998 et jy ai été pendant 19 ans! Jai travaillé sur plusieurs dossiers et jai rencontré plusieurs vignerons, ce qui ma permis dapprendre énormément sur le métier, car entre nous, on ne se compétitionne pas. Notre compétition: ce sont les vins étrangers!

Au fil du temps, les vignerons québécois se sont pris en main et ont mis en place lIndication géographique protégée (IGP) Vin du Québec. Cette certification a amené des retombées au niveau de la presse et au niveau des sommeliers. Le cahier de charges nous a aidé nous a donné une constance, une rigueur. Ce qui également eu un effet qualitatif sur les vins produits.  Pour moi, lIGP, cest un gage environnemental, de traçabilité et de qualité.

Si on regarde le portrait de lindustrie aujourdhui, il a bien changé. Il y a 7-8 ans, on était à 500 hectares de vignes pour tout le vignoble québécois. Aujourdhui, ça a plus que doublé avec 1100-1200 hectares de vignes. Et on a dépassé les 3 millions de bouteilles de vins québécois vendues par année.

Chez nous, avec nos deux sites, nous sommes à 56 hectares, et à près à de 400 000 bouteilles vendues par années.

Un petit mot sur La Cantina

La Cantina est le deuxième bébé de Daniel Lalande. Il a planté les premiers 9 hectares de ce vignoble situé à Oka en 2015. Aujourd’hui, le domaine, qui compte plus de 30 hectares, vient tout juste d’ouvrir une boutique au public. La Cantina possède deux gammes de vins. L’empreinte distinctive du vigneron est une petite production de vins issus de cépages vitis viniferas et la gamme La Cantina classique propose des vins destinés aux épiceries du Québec, faits de vitis viniferas et de cépages hybrides. «Cet automne, nous allons sortir deux nouveaux produits, un blanc et un rouge, dont les prix vont se situer entre ceux de la gamme classique et de la gamme distinctive. On ne peut pas en dire plus pour le moment!»

Quel conseil donneriez-vous à un jeune vigneron qui souhaiterait se lancer dans le métier?

Je lui dirais de multiplier les échanges avec dautres vignerons, de devenir membre du Conseil des vin Québec au plus vite et de participer aux événements. Je lui dirais de rencontrer plein de monde, mais d’établir son plan à lui. De se questionner sur le choix du site où il veut établir son vignoble, sur les cépages qu’il veut planter, et sur le type de vin il veut faire.

On veut voir de nouveaux vignerons sinstaller, être forts, ne pas faire les mêmes erreurs que nous. On a avantage à avoir des nouveaux qui réussissent!

Quest-ce qui vous rend le plus fier dans ces 25 ans parcourus?

Quand je regarde la terre où jai travaillée avec mon père et ce quelle est devenue, ça me rend fier. Notre contribution à la communauté de Saint-Eustache me rend fier aussi.

Je peux dire que jai le sentiment du devoir accompli. Je suis capable de reconnaître quon a fait des bons coups. Mais on en a fait un paquet derreurs aussi! Cest cliché de dire ça mais des erreurs, ce sont des occasions de faire mieux la prochaine fois.

«À l’époque, cette terre agricole permettait à deux familles de vivre: celle de mon père et celle de mon oncle. Aujourd’hui, elle fait vivre plus de 70 employés, 15 à temps plein et une soixantaine 9 mois par année.»
Daniel Lalande

Et durer 25 ans, ce nest pas rien!

Cest vrai! Tu ne pas peux durer 25 ans si tu ne fais pas une bonne job. Il faut que tu sois audacieux pour te lancer en affaires. Il faut que tu te battes et que tu tajustes constamment. Le chemin nest jamais fait de lignes droites. Il faut que tu te mettes en doute constamment. Mon produit, est-il bon? Comment je peux l’améliorer ? Comment le consommateur va-t-il le recevoir? Cest lui, au final, qui a le dernier mot.

Vignoble Rivière du Chêne Photo de Charles Briand
Photo de Marie Charest

Et ce consommateur de vin justement, a-t-il changé en 25 ans?

Oui, énormément! Quand on a commencé, les gens venaient au vignoble pour «nous encourager». Aujourdhui, les gens nous visitent et achètent nos vins pour se faire plaisir. Et cest la même chose pour mes collègues vignerons. On est plus à quatre pattes à dire: «achetez nos produits sil vous plaît, faut payer nos factures!»

Aujourdhui, nos produits sont dans plus de 300 succursales SAQ. Quand je vois les commandes chaque semaine, je me dis qu’on est en train de compétitionner les 14 000 vins étrangers! Avec les données du programme SAQ Inspire, on se rend compte que les gens achètent nos produits une première fois et quils en rachètent. Ça veut dire quils ont adopté le produit.

Aujourdhui, on est à environ 300 000 à 400 000 personnes qui achètent des vins québécois par année. Cest lfun, mais en même temps, il y a encore énormément de consommateur à aller chercher.

Cest en faisant de la qualité, quon va créer le deuxième rendez-vous avec la bouteille. La première bouteille achetée, cest souvent à cause dune promotion, ou suite à une dégustation, mais la deuxième bouteille, cest la qualité du produit qui va donner le go au client de lacheter. Il faut investir là-dedans et dans les ressources humaines, car le client a toujours le choix dacheter des importations privées, des vins en épiceries, etc.

Comment célébrez-vous vos 25 ans au vignoble?

On a procédé à un rafraîchissement des étiquettes de nos vins. On a lancé deux cuvées anniversaires: le Chardonnay et lOrigine Cuvée Spéciale, fait de pinot noir et de petite perle. Ce sont deux produits dont je suis pas mal fier!

Au Bistro VRDC, on propose, le week-end, de 14 h à 16 h, la planche du 25e. Pour 25$, on offre une planche de charcuteries avec 3 verres de vin. Ce nest vraiment pas cher!

Il va aussi y avoir les vendanges ouvertes au public pendant lesquelles on va réserver quelques surprises…

Jespère que les gens vont venir nous visiter! Les gens prennent lavion pour aller visiter des vignobles à travers le monde, pourquoi ne pas venir nous voir pour nos 25 ans? Avec les aménagements sur notre site, notre volet musical, le bar extérieur, le bistro, on a beaucoup à offrir et la région aussi!

Comment entrevoyez-vous lavenir du Vignoble Rivière du Chêne?

Comme je nai pas de relève, cest certain que dans les prochaines 5 à 10 années, il va falloir que jy pense…

Mais pour lavenir, ce que je souhaite, cest quon soit reconnu comme un leader auprès de nos pairs et de la clientèle. Je souhaite quon continu à être des horlogers en termes de qualité et de rigueur. Avec mon équipe, je nous vois continuer à créer un endroit où il fait bon venir et revenir.

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