La Fromagerie Nouvelle-France: une histoire qui crée la richesse au village
Publié le
11 janvier 2021
Texte de
Hélène Raymond
Je vous emmène à Racine, un village de moins de 1500 habitants, dans le Val Saint-François, en Estrie. En son cœur, se trouve le marché Locavore, une réalisation citoyenne qui entraîne, depuis dix ans, une animation estivale exceptionnelle la fin de semaine. Si les abris du marché sont engourdis pour l’hiver, il en va autrement sur le terrain voisin, où emménagera bientôt la Fromagerie Nouvelle-France.
Racine est le lieu de naissance de Jean-Paul et Marie-Chantal Houde, frère et sœur qui ont repris une ferme familiale, du côté maternel. En 2007, alors qu’ils cherchent une idée pour relancer l’exploitation qui ne compte plus de vaches, ils choisissent la production laitière ovine. Jean-Paul assurera la gestion de la ferme, Marie-Chantal poursuivra son emploi de consultante fromagère, le temps de tout mettre en place.
«Quand on se lance en 2009, on possède un troupeau, la volonté de faire du fromage, mais pas d'installation de transformation, la Financière agricole ayant jugé notre démarche trop risquée pour soutenir, en parallèle, l’acquisition du troupeau et le démarrage de la fabrication.»
Marie-Chantal Houde
Surgit alors l’idée de visiter des entreprises établies pour y louer des espaces de production et d’affinage. Après une tournée marquée par plusieurs refus, Jean Morin, établi à une soixantaine de kilomètres de Racine, à la Fromagerie du Presbytère de Sainte-Élisabeth-de-Warwick, ouvre sa porte. La fromagère, formée à l’École nationale d’industrie laitière de Poligny, en France, s’attèle à la tâche. En 2011, à la première présence du Zachary-Cloutier au concours Sélection Caseus, le fromage est primé quatre fois. Il remporte même l’OR, accordé au meilleur fromage de l’année, toutes catégories confondues. La consécration est instantanée, la pression monte, la demande aussi.
Un an plus tard, ils rachètent le lait d’un premier éleveur dans le but d’augmenter la production. Aujourd’hui, sept fermes ovines associées, liées par un cahier des charges, leur fournissent annuellement 250 000 litres de lait. La Fromagerie Nouvelle-France est la plus grosse entreprise de transformation du lait de brebis du Québec et la deuxième au Canada. Au fil des ans, la demande croissante les force à envisager le déménagement: «Jean a été généreux, mais maintenant, tout le monde se trouve à l’étroit. Nos employés travaillent la fin de semaine.»
En 2018, Marie-Chantal et Jean-Paul achètent un terrain au cœur de leur village; ils cherchent des aides publiques et des appuis. Le projet démarre enfin: «Mais la construction, c’est tough. D’octobre 2019 à mars 2020, il nous manquera 300 000$. Quand la COVID arrive, nous avons un accord de principe avec des taux d’intérêt élevés. Brusquement, tout arrête. On a peur de tomber dans le vide. Puis, une nouvelle offre de financement surgit. Les travaux s’amorcent à l’été. Ils se poursuivent depuis.»
2021 sera fébrile. Si le rythme de la ferme demeure le même, il faut terminer la construction, tester l’équipement de transformation avant de transférer progressivement l’ensemble des opérations d’un site à l’autre, ouvrir une nouvelle boutique. La mise en activité de la fromagerie est prévue en mars.
Au lendemain de cette première décennie, le but qu’ils poursuivent dépasse l’élevage et la fabrication fromagère. Voici comment Marie-Chantal le résume: «Nous voulons valoriser le territoire en développant le secteur de la brebis laitière, pour créer de la richesse à une échelle locale et, ainsi, contribuer à l’autonomie alimentaire.» Remplacez le secteur par un autre, vous avez là des vœux sensés qui pourraient donner du souffle à bien des villages.
➤ Ce texte pourrait aussi vous intéresser: Sélection Caseus: quatre fromagers se racontent