Le grincement de dents d’Élisabeth Cardin: Stoppons l'effritement de notre relation au territoire - Caribou

Le grincement de dents d’Élisabeth Cardin: Stoppons l’effritement de notre relation au territoire

Publié le

05 avril 2021

Texte de

Julie Aubé

Photo de

Ulysse Lemerise

Élisabeth Cardin est copropriétaire du restaurant Manitoba, à Montréal, et co-auteure (avec l'historien Michel Lambert) du livre L'Érable et la perdrix, qui vient de paraître aux Éditions Cardinal. Cet ouvrage propose de plonger dans l'histoire culinaire du Québec afin de se reconnecter aux saisons, aux aliments et aux connaissances extraordinaires qui nous aident à habiter le territoire. Un objectif essentiel aux yeux de la restauratrice, auteure et poète, qui grince des dents en constatant le fossé qui sépare trop de gens de leurs aliments et de la nature.  
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Élisabeth Cardin est copropriétaire du restaurant Manitoba, à Montréal, et co-auteure (avec l'historien Michel Lambert) du livre L'Érable et la perdrix, qui vient de paraître aux Éditions Cardinal. Cet ouvrage propose de plonger dans l'histoire culinaire du Québec afin de se reconnecter aux saisons, aux aliments et aux connaissances extraordinaires qui nous aident à habiter le territoire. Un objectif essentiel aux yeux de la restauratrice, auteure et poète, qui grince des dents en constatant le fossé qui sépare trop de gens de leurs aliments et de la nature.  
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Ce constat de déconnexion avec la nourriture et la nature, comment en est-on arrivé là?

Ce n’est pas indépendant du capitalisme, de l’industrialisation, du focus sur la productivité visant à générer toujours plus de profit en sauvant du temps et de l’argent. Dans la foulée, on s’est mis à faire faire par d’autres toutes les choses qu’on faisait avant. On s’imaginait que ce serait libérateur, mais ça nous a enlevé de l’indépendance, de la résilience. Ça nous a déconnectés de notre autonomie, ça nous a fait bifurquer de nos priorités: on ne peut pas continuer de glorifier le matériel comme un gage de réussite de son passage sur terre! L’urbanisation a aussi contribué à l’individualisation et à la déconnexion de la nature. Or, plus notre relation au territoire s’effrite, moins on s’en préoccupe: il y a un phénomène de «si ce n’est pas dans ma cour, je m’en fous» qui entraîne un manque de bienveillance envers la nature.

C’est grave parce que la nature, elle n’appartient à personne et elle est à tout le monde en même temps: on ne peut pas s’en déresponsabiliser.

Elle n'est pas un truc qu'on exploite ou qu'on contrôle, elle est vivante et cela implique d'entrer en relation avec elle. Quand on s'en déconnecte, consciemment ou non, on perd des connaissances, on draine le sol et on perd en autonomie.

Comment s’y prendre pour se reconnecter et renverser la vapeur?

Parmi les différents leviers, je crois qu’il faut réapprendre à vivre le territoire de manière sentimentale: l’aimer pour être interpellé à en prendre soin. Pour se faire, l’alimentation est un point de départ parfait parce que ça concerne tout le monde, c’est rassembleur! Par l’alimentation, on peut, petit à petit, mener à bien une réelle révolution de bienveillance.

Par quoi commencer pour mener une révolution de la bienveillance par l’alimentation?

L’éducation est une clé: elle devrait être axée sur l’histoire et les connaissances naturelles, et enseigner à devenir plus autonome (apprendre à construire, réparer, cultiver, reconnaître les champignons, cuisiner…). Le français, les maths, l’histoire, la chimie: tout cela s’apprend en cuisinant, en jardinant, en bricolant! Le primaire devrait ressembler à un camp de vacances perpétuel, avec plus de plein air, de contacts avec les choses essentielles et tangibles. Pour faciliter ce type d’enseignement, le calendrier scolaire pourrait être inversé: les grandes vacances l’hiver, quand les déplacements sont plus difficiles et que, comme la nature, on se mettrait en latence. Le printemps, l’été et l’automne ont des journées plus longues et des températures qui rendent l’enseignement en plein air réaliste.

Il faut oser brasser nos façons de faire, c'est ça une révolution!

Je dis cela en demeurant consciente que le changement ne se fait pas du jour au lendemain. Le recyclage, c’est arrivé graduellement. J’ai confiance dans les générations futures, je suis du côté de l’espoir. En cultivant l’humilité, en s’inspirant de la nature et en favorisant la reconnexion dès l’enfance, il deviendra évident que si tu ne peux pas exprimer ta nourriture dans un contexte de nature, tu ne devrais pas l’acheter. Parce que la nourriture, c’est d’abord la nature. Et sans la nature, nous n’avons plus grand-chose.

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