Les vignerons face à l’OMC: c’est comme perdre son meilleur ami - Caribou

Les vignerons face à l’OMC: c’est comme perdre son meilleur ami

Publié le

11 mai 2021

Vin du Québec - La Boîte à Vins
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Pas facile de vous résumer l’entente survenue entre le Canada, le Québec et l’Australie au sujet des vins québécois.  Pour tout l’écosystème des vins du Québec, pour les vignerons et les propriétaires d’épiceries fines, c’est une claque au visage. Voici le meilleur résumé administratif. 

Un texte de Sébastien Daoust, du vignoble Les Bacchantes

En gros, en 2016, les vignerons québécois ont eu le droit de vendre en épicerie sans passer par la SAQ, c’est ce qu’on appelle de la vente gré-à-gré. La SAQ demeure un incroyable partenaire pour les vignerons québécois, un supporteur de nos initiatives, mais elle possède un modèle d’affaire qui n’est pas toujours compatible avec les plus petits vignobles. 

En 2018, l’Australie, suivie de l’Union Européenne, des États-Unis, du Chili, de l’Afrique du Sud et j’en passe, s'est plaint à l’OMC que cet accès privilégié n’était pas permis aux vins étrangers, ces derniers devant passer par la Société des alcools pour aboutir en épiceries. Plusieurs négociations ont eu lieu, et l’entente finale stipule que l’Australie accepte que les vins du Québec soient vendus directement dans les épiceries, mais qu’une «taxe» équivalente à la marge de la SAQ soit appliquée. À cela s’ajoute la taxe d’accise, tout autant au cœur du litige, que nous devrons payer aussi pour chaque litre vendu. 

Le vrai problème dans tout ça est que l’agriculture est probablement le secteur économique le plus subventionné dans tous les pays, et que la viticulture est au sommet du palmarès. Déjà, votre vin préféré de Bourgogne ou d’Italie ne connaît aucune compétition mondiale en son sol. Vous ne retrouverez pas de vin italien ou québécois chez un caviste de Lyon, pas plus qu’un vin américain dans une boutique italienne. Mais au Québec, nous sommes chanceux, comme consommateurs, de retrouver tous ces vins sur les étalages. 

Sauf pour les vignerons. Nous, il faut compétitionner contre tous ces vins… et leurs immenses subventions.  

C’est comme une bataille à recommencer à chaque année. À chaque année, il faut démontrer aux gouvernements, fédéral ou provincial, quelle est la situation. À chaque fois, il faut se battre, il faut éduquer, il faut contrer des lobbys immenses, nous qui ne sommes que quelques dizaines de producteurs qui arrivons à peine à nous payer une directrice générale comme association. C’est un travail dur pour les vignerons bénévoles qui représentent notre industrie auprès de nos gouvernements. 

Le cadre législatif québécois en matière d’alcool est ridicule et archaïque. Il l’est tout autant pour les restaurateurs, les épiciers, les cidriculteurs, les distillateurs, les microbrasseurs. Je reviendrai là-dessus dans un autre texte, mais ne serait-il pas temps de penser à faire front commun pour dépoussiérer ces lois? 

Le ministre de l’Économie, Pierre Fitzgibbon, a annoncé rapidement qu’il allait nous aider. Son homologue aux Finances, Éric Girard, ne semble pas cependant pas être d’accord, disant craindre que nous ne fassions de façon contournée ce qui nous a été interdit directement. 

La solution est pourtant simple. Sans entrer dans le détail, nous avons déjà une forme d’aide à la SAQ. Si cette forme d’aide est considérée comme correcte à la SAQ, alors pourquoi ne le serait-elle pas dans les épiceries?

Quand j’ai parti mon vignoble, en 2012, nous avions en tête de vendre rapidement, et en grande quantité à la SAQ. Avec nos premières bouteilles, nous nous sommes rendus compte que ça prendrait du temps. Rapidement, nous avons vu que la SAQ était une merveilleuse machine, avec des leviers et engrenages, et des ressorts enroulés serrés, telle une montre précieuse, avec son infatigable tic-tac. Utiliser une telle machine demande de la finesse, du tact, une bonne compréhension des processus qui l’animent… (et un bon agent). 

Et de l’autre côté, nous avons vu des épiceries fines et des cavistes qui, en plus d’accepter sans problème de distribuer nos vins, en faisaient la promotion sur les médias sociaux et dans leurs événements. Chaque nouvelle bouteille était une célébration, chaque nouveau vigneron, une rencontre formidable. Pas de formulaires, pas de déclarations, pas de calculs complexes. Pour caricaturer, la relation entre un vignoble et une épicerie fine, c’est la relation entre deux bons amis qui ne se voient pas assez souvent. Et avec la SAQ, ça ressemble un peu à la relation avec nos beaux-parents : certaines personnes ont un plaisir fou avec eux, une relation enrichissante, une confiance mutuelle qui ne fait que s’apprécier avec le temps. Et d’autres les considèrent comme un mal nécessaire.   

La taxe qu’imposerait cette décision avec l’Australie nous pousserait à ne plus pouvoir vendre (de façon rentable) aux épiceries fines. 

Ce serait comme si notre meilleur ami déménageait ailleurs.

Genre, en Australie. 

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