Véronique Bouchard: l’avenir est dans le modèle coopératif - Caribou

Véronique Bouchard: l’avenir est dans le modèle coopératif

Publié le

21 février 2023

Texte de

Audrey Lavoie

Le 1er février 2023, la Ferme aux petits oignons a officiellement commencé à opérer comme une coopérative de solidarité. La propriétaire Véronique Bouchard, aujourd’hui directrice générale de la coopérative, a entamé cette transition il y a plusieurs mois avec son équipe, aujourd’hui membres travailleurs de l'organisation. Ainsi, ils espèrent paver la voie pour un nouveau modèle qui pourrait aider à contrer les problématiques liées aux transferts des fermes, à l’accès à la terre, à la spéculation sur les terres agricoles, à la valorisation du travail agricole, à la pérennité de l’entreprise… Ça semble magique? L’instigatrice du projet nous raconte.
Ferme aux petits oignons
Le 1er février 2023, la Ferme aux petits oignons a officiellement commencé à opérer comme une coopérative de solidarité. La propriétaire Véronique Bouchard, aujourd’hui directrice générale de la coopérative, a entamé cette transition il y a plusieurs mois avec son équipe, aujourd’hui membres travailleurs de l'organisation. Ainsi, ils espèrent paver la voie pour un nouveau modèle qui pourrait aider à contrer les problématiques liées aux transferts des fermes, à l’accès à la terre, à la spéculation sur les terres agricoles, à la valorisation du travail agricole, à la pérennité de l’entreprise… Ça semble magique? L’instigatrice du projet nous raconte.
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Plus grand que la panse

Véronique Bouchard a fondé la Ferme aux petits oignons en 2010, à Mont-Tremblant, avec François, son conjoint de l’époque. En 2019, après sa séparation d’avec son conjoint et associé, l’agricultrice décide de reprendre la ferme seule, à la surprise générale, et rêve de la transformer en coopérative.

«On demande aux agriculteurs en ce moment de ne pas polluer et de produire des aliments, mais au plus bas prix possible, se désole la maraîchère. Les agriculteurs vivent une pression énorme. T’es tout le temps déchiré entre la pratique qui va payer la banque et la pratique qui va avec ta vision écologique. Ça faisait des années que je réfléchissais aux façons de m’en sortir.»

Selon elle, le modèle des petites fermes maraîchères biologiques, très en vogue en ce moment, est voué à se transformer. «On a fait l’erreur d’essayer de transformer l’agriculture dans un modèle capitaliste. Ceux qui essaient s’épuisent, se rendent compte de la lourdeur du modèle. Ils font ce métier 6-7-8 ans et ils abandonnent. Le modèle d’avenir est selon moi le modèle coopératif. Les fermes qui ont le plus de stabilité et qui ont le plus de temps pour s’impliquer, c’est les fermes en coop.»

Véronique Bouchard - Crédit: Valérie Charlebois

Véronique le répète: le taux de survie des coopératives est 2,5 fois plus élevé que celui des entreprises traditionnelles. «Je me suis aussi aperçue, il y a quelques années que j’étais le plus grand risque pour l’entreprise. Si je me fais frapper demain matin par une voiture, ça peut faire disparaître ma ferme du jour au lendemain. Ma séparation aurait pu faire disparaître la ferme. Aujourd’hui, je sais que s’il m’arrive quelque chose, ça va être moins pire. Et que l’an prochain ça sera encore moins grave», dit celle qui a justement fait sa maîtrise en environnement sur les coopératives de solidarité en agriculture.

Répartir le poids de la gestion de l’entreprise sur plusieurs épaules est très bénéfique et elle ressent déjà les bienfaits sur sa santé mentale. «J’ai du fun à gérer la ferme avec mon équipe comme je n’ai jamais eu de fun. La forme du collectif, c’est vraiment puissant. On rame tous dans la même direction. Les dynamiques de forces et de compétition, entre un employeur et ses employés, c’est une perte d’énergie», soutient la fermière, qui constate que ses collègues, aujourd’hui membres de la coop au même titre qu’elle, réalisent tout le travail qu’elle faisait dans le bureau, les réflexions, les montages financiers, etc.

«Dans la coop, tu es à la fois propriétaire et travailleur. Ça valorise plus le rôle de chacun», croit-elle. Pour la femme, militante de première heure, «ça semble de plus en plus clair qu’on ne peut pas faire de l’agroécologie sans une structure sociale équivalente».

Qu’est-ce qu’une coopérative de solidarité?

Selon Entreprises Québec, une coopérative est une personne morale regroupant des personnes ou des sociétés qui ont des besoins économiques, sociaux ou culturels communs et qui s’associent pour exploiter une entreprise. La coopérative peut être de consommateurs, de producteurs, de travailleurs, de travailleurs actionnaires, ou, comme c'est le cas pour la Ferme aux petits oignons, de solidarité. Méconnue du public, la coopérative de solidarité existe depuis 1997 au Québec et est, à l’instar de toutes les coopératives, une entreprise détenue à part égale par des membres. Elle doit intégrer au moins deux catégories de membres parmi les membres travailleurs, les membres utilisateurs et les membres de soutien. Chaque membre participe ainsi à la vie démocratique de l’entreprise et peut exercer son droit de vote pour décider des orientations de celle-ci.

«Un modèle porteur d’espoir»

Bien que ça fasse longtemps qu’elle rêve d’une communauté qui s’impliquerait avec elle dans sa mission de «prendre soin» (les uns des autres, de la communauté, de la terre), la transition vers le modèle coop n’a pas été simple. «Beaucoup de gens dans mon entourage ont essayé de me dissuader en me disant que j’allais perdre le contrôle, et l’entreprise que j’ai bâtie», dit Véronique, qui prévoit aller plus loin et transformer la terre (et les bâtiments) en fiducie pour conserver son rôle agroécologique à perpétuité.

Malgré qu’elle n’a pour l’instant que très peu d’aide du gouvernement, étant même disqualifiée de plusieurs programmes de soutien à l’agriculture à cause de son changement de modèle, elle souhaite défricher ce terrain porteur d’avenir. «On est un peu comme des cobayes. Quand t’es dans la marge, le chemin n’est pas tracé. On va s’aventurer dans le chemin, identifier tous les obstacles et démontrer tout le potentiel de ce modèle en espérant que ça va faire changer les règles et le financement.»

La prochaine étape pour la nouvelle coopérative? Lever des fonds pour pouvoir racheter la Ferme aux petits oignons à sa propriétaire, Véronique, afin qu’elle devienne la «propriété» de la coop. De mars à mai, la ferme sera donc en période de recrutement auprès de la communauté. Toutes les personnes qui le désirent pourront investir 1000$ et devenir membres de soutien de la coop. Ce montant sera doublé par le fonds Ampli, qui vise à stimuler l’investissement participatif.

Pour Véronique Bouchard, dont l’objectif est d’amasser 100 000$, il s’agit d’un placement à rendement social et solidaire. «Comme on est un organisme à but non lucratif, on ne peut pas verser de ristournes aux membres. Mais on va comptabiliser ce que les gens auraient eu comme ristourne et on va décider collectivement comment on va utiliser cet argent-là dans notre communauté: fournir des ateliers dans les CPE, donner des légumes à des nouveaux arrivants, etc.»

Aujourd’hui, la coopérative compte 12 membres travailleurs et 9 membres de soutien. Mais la directrice générale rêve qu’à terme ce soit toute une communauté qui s’implique avec eux dans leur mission de «prendre soin les uns des autres, de la communauté et de la terre».

Pour plus de détails sur la campagne de recrutement, c’est ICI.

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