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Nos vastes forêts recèlent de trésors sauvages qui ne demandent qu’à être apprivoisés en cuisine. Le livre Forêt, qui vient de paraître aux Éditions Cardinal, souhaite redonner les clés de la cueillette sauvage aux Québécois. Lors de votre prochaine escapade, gageons que vous ne verrez plus les bords de route de la même manière…
Texte de Catherine Couturier Photos de Xavier Girard-Lachaîne
À l’aube de la trentaine, Ariane Paré-Le Gal, alors journaliste et animatrice, a fait le choix de quitter Montréal pour revenir en campagne afin de reprendre l’entreprise de son père, Gérald Le Gal. Pionnier au Québec, celui-ci a fondé Gourmet sauvage il y a 27 ans dans l’idée de faire la cueillette et la transformation de produits sauvages avec, en filigrane, la mission d’éduquer et de partager ses connaissances. Leur imposant livre Forêt, fruit de quatre ans de labeur, présente les plantes du Québec et la façon de les identifier et de les apprêter, le tout ponctué d’éléments poétiques et de réflexions par rapport au métier de cueilleur. Forêt se veut une façon de consigner le savoir acquis au fil des ans de Gérald Le Gal pour sa fille, mais aussi pour tous les Québécois. Caribou a discuté avec Ariane Paré-Le Gal de notre rapport à la forêt.
Les Québécois ont-ils perdu leurs connaissances de la nature et le contact avec leur forêt? On aurait tous à gagner de retrouver un contact plus profond avec la nature. On a beau avoir accès à des espaces verts, si on ne comprend pas notre milieu, à mon avis, on demeure en surface. Après avoir vécu presque toute ma vie en ville, j’ai maintenant pleinement conscience du cadeau extraordinaire d’avoir un lien quotidien avec la forêt pour cueillir, m’alimenter, me ressourcer. On a besoin de ce lien, c’est à la fois primitif et contemporain. Notre livre, c’est un peu notre petite contribution pour que les gens connaissent mieux ce qu’il y a autour d’eux, pour permettre de recréer un lien d’intimité avec la nature. Si on passait tous individuellement plus de temps avec la forêt, on en prendrait davantage soin, on réaliserait son importance et on aurait plus d’intérêt à la protéger.
Concrètement, comment peut-on inclure la cueillette sauvage dans nos vies? Certainement sans se sentir obligé de tout savoir ! En cueillant des plantes quand ça se présente et quand c’est possible: en forêt, en banlieue et en milieu urbain même, de temps en temps, en vacances ou tous les week-ends! C’est hyperaccessible, en fait! Un simple gazon non traité contient une trentaine de plantes comestibles! Autrement dit, on n’a pas besoin d’aller dans le fin fond des bois pour faire de la cueillette sauvage.
Comme la plupart des gens ont perdu les connaissances par rapport à ce type de cueillette, comment est-il possible de s’y initier tranquillement? Idéalement, on doit construire nos connaissances petit à petit. Les gens ont tendance à penser que c’est tellement loin de nous, et qu’il faut tout savoir d’un bloc pour se protéger d’un empoisonnement. Mais la bonne façon de faire, c’est d’y aller une plante à la fois. On peut par exemple cueillir trois ou quatre espèces et avoir du plaisir, puis en ajouter une ou deux nouvelles chaque année afin d’élargir notre répertoire.
Avez-vous des exemples de plantes méconnues qu’on peut facilement apprêter? Le plantain majeur, par exemple, pousse partout, comme de la mauvaise herbe. Il a un goût très léger de champignon et de verdure. On cueille la jeune feuille au printemps, puisqu’après elle sera plus rigide et développera de l’amertume. Aussi, tous les conifères (sauf l’if du Canada) sont comestibles. C’est donc possible, même en pleine ville, d’avoir accès au printemps à des pousses de sapin ou d’épinette afin de faire des marinades ou de les mettre dans des cocktails… Nul besoin d’aller très loin pour trouver des plantes intéressantes!
Les plantes qu’on désherbe au potager sont aussi souvent la première récolte sauvage de l’année. Il y a beaucoup de plantes envahissantes qui sont des plantes comestibles délicieuses, comme le pourpier, le chou gras, le pissenlit, la marguerite, ou l’oseille.
Observez-vous un intérêt pour la cueillette sauvage chez les Québécois? L’intérêt du grand public pour les produits sauvages est de plus en plus grand. Ça s’explique par quelque chose de simple: l’alimentation en forêt, c’est quelque chose qui parle à notre ADN. Ça ne fait pas longtemps qu’on s’alimente au supermarché et qu’on a perdu cette connaissance de la nature. Je crois que c’est un juste retour du balancier. On a collectivement envie de plus de sens, de fraîcheur et de choses vraies dans notre assiette.
Vanille nordique et câpres locales
Plusieurs récoltes sauvages fraîches ou transformées remplacent avantageusement certains produits importés… même s’«il faut également se laisser bercer et guider par ces saveurs vraiment différentes et faire naître la créativité», rappelle Ariane.
L’essence de mélilot peut remplacer la vanille.
Le sirop de bouleau rappelle le vinaigre balsamique et la mélasse.
Les feuillets de la monarde remplacent très bien l’origan.
Les boutons de marguerite marinés ou les baies de sureau immatures peuvent faire office de câpres.