«Je m’attendais à ce que ça intéresse des gens, mais jamais autant que ça», confie-t-il d’emblée. Sa démarche, fondée sur une profonde quête identitaire du terroir local, lui aura permis d’apprendre de nouvelles techniques pour enrichir ses envies d’autonomie alimentaire, de tisser des liens avec des producteurs insulaires et, ultimement, de revoir ses priorités dans la vie. Voilà qu’il en valait la peine de se priver de café, de sucre et de bananes pendant un an!
— Quel a été ton premier repas à la fin de ton aventure?
J’aurais pu faire une transition douce… mais ç’a été une poutine au porc effiloché avec un extra bacon! C’était la meilleure de toute ma vie! Cette poutine me permettait de passer à autre chose en plus de contredire les gens qui me prêtaient de trop grandes intentions locavores.
— Étais-tu soulagé que ce soit fini?
Mon soulagement n’a pas été instantané. D’ailleurs, je ressens encore beaucoup de culpabilité de me remettre à manger de tout, alors que je me suis privé pendant un an! Mon rapport avec la bouffe a tellement changé, certaines habitudes d’autrefois ne sont pas encore revenues… et je ne sais pas si elles reviendront. C’est contradictoire: j’avais si hâte de réintroduire les produits céréaliers dans mon alimentation, mais finalement, je ne sais plus si j’en veux, sachant tout le sucre qu’ils contiennent.
J’en parle beaucoup avec ma blonde, de cette grande prise de conscience et de comment on pourra s’adapter, en tant que famille, à la suite des choses. Certes, au départ, mon défi était une quête identitaire, mais l’aspect santé et nutritionnel a pris tellement de place.
— Que retiens-tu le plus de cette expérience?
Que c’est une affaire de communauté, l’autonomie alimentaire. Je veux continuer à avoir ce mode de vie là, mais je ne pense pas que c’est réaliste de le faire seul. Ni aux Îles-de-la-Madeleine ni sur le continent.
Par chance, je ne me suis pas restreint qu’à mes légumes, ma basse-cour ou ce que je pêchais. J’ai pu avoir l’aide de maraîchers, de pêcheurs, etc. J’ai été reconnaissant de ce monde-là et je les ai mis de l’avant dans mes publications. Les gens ont été solidaires avec moi: plusieurs ont partagé le fruit de leurs récoltes avec moi et j’ai pu bénéficier de viandes (lapin, phoque, volailles), de fruits (baies, rhubarbe), de légumes (maïs, pleurotes), de palourdes… J’ai eu beaucoup de ressources, je me sais chanceux.
— Quel a été le plus grand défi?
Si j’ai passé de très beaux moments avec des gens, fait des rencontres inespérées et eu des échanges intéressants, mon aventure m’a aussi beaucoup isolé des autres au quotidien. Je ne pouvais pas prendre un café avec ma blonde. On faisait des épiceries différentes. Mes amis ne m’invitaient plus à bruncher ou à prendre une bière, c’était trop difficile de s’arrimer. Je me suis rendu compte à quel point la bouffe est au centre de nos interactions sociales.
— Qu’est-ce qui a été plus facile que prévu?
Composer avec la redondance de mes plats! Je ne me suis pas vraiment tanné de ce que je mangeais, sauf dans le dernier mois. Là, j’avais hâte de me faire une toast ou de manger une pizza. Je veux me remettre à en consommer, mais plus consciemment, et le faire moi-même le plus possible.