«C’est très difficile à quantifier, à mesurer, à établir. Il y a tellement de facteurs qui viennent influencer le poids. Deux personnes pourraient manger exactement les mêmes aliments en même quantité, et l’influence sur le poids serait complètement différente en fonction de plein d’autres facteurs», explique Marilou Morin, nutritionniste-diététiste et propriétaire de Manger en Harmonie.
Environnement, génétique, style de vie, situation socioéconomique, connaissances culinaires, préférences personnelles, santé mentale, habitudes culturelles… les paramètres dépassent largement le contenu de l’assiette.
Avec son équipe de nutritionnistes, Marilou Morin priorise l’établissement d’une relation saine avec la nourriture, pas la perte de poids. Le plan alimentaire réduit en calories, très peu pour elle. «Souvent, les mots [que les personnes qui me consultent] utilisent, c’est qu’elles veulent faire la paix avec la nourriture. Elles veulent trouver une autre façon de prendre soin de leur bien-être global et de leur santé, que par le poids.»
Au Québec, environ un quart des personnes de 12 ans et plus seraient «en situation d’obésité», selon les données de Statistiques Canada pour 2020. Un peu plus de 35% feraient de l’ «embonpoint». C’est légèrement moins, dans les deux cas, que la moyenne nationale. À noter: ces chiffres sont fondés sur l’indice de masse corporelle (IMC) autodéclaré des répondants, une mesure qui est loin de faire l’unanimité puisqu’elle ne tient pas compte de la composition corporelle ni de la distribution du gras sur le corps. Une personne très musclée, par exemple, pourrait être considérée comme étant en surpoids. Par ailleurs, tous les gras ne se valent pas en termes de dangerosité. Le gras abdominal, par exemple, est particulièrement problématique tandis que d’autres ont un impact limité sur la santé.
Qu’à cela ne tienne: les personnes dont le poids dépasse les seuils prescrits sont souvent stigmatisées, discriminées. On examine le contenu de leur assiette; on se permet de leur conseiller des diètes, des programmes sportifs, d’exprimer des jugements de valeur sur leur style de vie. Une licence morale qui pèse aux personnes grosses. «Est-ce qu’on a ce même discours envers des personnes minces?» s’indigne Marilou Morin. «De leur dire que ‘‘c’est important que tes habitudes de vie soient A1 pour que tu sois en santé’’, est-ce qu’on met autant de pression et autant de jugement, de préjugés, d’exclusion, de stigmatisation envers les personnes minces au nom de la santé qu’on le fait envers les personnes grosses?»
Une formule dépassée
«Pendant très longtemps, ce qu’on recevait du milieu médical, du milieu pharmaceutique, c’était: mange moins, bouge plus, calorie in, calorie out. Sauf que s’il y avait vraiment une formule gagnante pour toutes les personnes grosses, je pense qu’on le saurait.» Édith Bernier, vulgarisatrice, conférencière et autrice en prévention de la grossophobie (la discrimination fondée sur le poids) et en inclusion des personnes grosses, nous exhorte à nuancer, à complexifier le regard qu’on porte sur le poids et la grosseur.