Cultiver les défis
Parti de zéro en 2003, le verger hudsonois de plus de 4000 arbres fruitiers possède aujourd’hui la certification Ecocert, qui assure le respect de certaines normes strictes assurant autant la protection de l’environnement que le maintien de la biodiversité. Un exemple parmi d’autres: la pulvérisation de solutions de soufre ou encore de bicarbonate de potassium, plutôt que l’utilisation de puissants fongicides traditionnels, afin de protéger les pommiers des maladies causées par des champignons. Le défi s’avère toutefois de taille, parce qu’il suffit d’une averse impromptue pour saboter une bonne partie de la récolte d’une saison. «Il faut appliquer le produit juste avant chaque pluie, et ce, durant tout le printemps jusqu’au début de juillet. Disons qu’on est abonnés aux prévisions de MétéoMédia», dit à demi en blague le pomiculteur, qui a dû couper un grand nombre d’arbres en raison d’une épidémie justement causée par l’humidité il y a quatre ans.
Qui plus est, beaucoup de manipulations très chronophages sont requises en pomiculture biologique. Éric Léger évoque notamment l’installation de papiers stratifiés pour protéger les troncs des insectes ou encore l’éclaircissage à la main, qui consiste à ne laisser qu’un certain nombre de fruits sur chaque branche pour favoriser leur croissance et maximiser la récolte. «Dans la culture conventionnelle, explique-t-il, ils peuvent utiliser une hormone de croissance qui fait tomber une partie des fleurs pour une production plus stable. C’est une preuve parmi d’autres qui montre que travailler en production bio, ce n’est pas choisir la facilité!»
Pour venir à bout des insectes ravageurs et en contrôler les populations, Dragos Iuroaia et Éric Léger utilisent tous deux nombre d’autres techniques classiques éprouvées en agriculture biologique, telles que la confusion sexuelle, qui empêche les insectes de se reproduire, et le recours aux prédateurs naturels comme les perce-oreilles.
Y a-t-il néanmoins des variétés de pommiers qui sont plus faciles à faire fructifier en utilisant les méthodes approuvées pour la culture biologique? «Il n’y a pas beaucoup d’études scientifiques sur le sujet», répond Dragos Iuroaia, qui compose avec une dizaine de cultivars, dont les populaires McIntosh, Cortland et Empire, mais aussi la Liberté et la Golden Delicious, dont ses clients ne se lassent pas. «Ils me disent souvent que mes pommes sont les meilleures, mais je ne peux pas comparer puisque je ne mange que les miennes», dit-il en rigolant.
«C’est très subjectif et difficile à prouver, mais je pense vraiment que mes pommes bios goûtent meilleur», renchérit Éric Léger. Sans compter les avantages au point de vue environnemental. «Ici, on a même des hirondelles, qui se nourrissent d’insectes, alors qu’on n’en voit presque plus dans les zones agricoles, fait-il valoir. Je suis persuadé qu’il y a un lien!»