Pour cerner l’origine du plat de crudités accompagnées d’une sauce, l’historienne culinaire Amélie Masson-Labonté pointe vers la tradition du bassin méditerranéen — l’Espagne, le Portugal, les pays du Maghreb, la France et l’Italie — «laquelle est très portée sur les légumes consommés crus».
Il y a par exemple la fameuse bagna cauda piémontaise, cette trempette chaude à base d’huile, d’anchois et d’ail, servie avec des légumes de saison depuis l’époque médiévale. Dans un esprit de partage, et ce, afin de célébrer la fin des moissons ou des vendanges, les convives étaient invités à plonger leurs légumes crus fraîchement récoltés dans cette sauce devenue célèbre dans cette partie du pays.
Amélie Masson-Labonté cite d’autres versions du duo crudités et trempette, comme le pinzimonio italien (huile d’olive, citron, sel, poivre) ou l’aïoli provençal (jaune d’oeuf, ail, huile d’olive), qui existent aussi depuis des siècles.
À la table québécoise
L’arrivée de cette assiette telle qu’on la connaît au Québec se serait produite tôt au 20e siècle, selon l’historienne culinaire. «Les familles avaient généralement un potager d’appoint qui leur fournissait radis, concombres, petits pois, carottes et haricots en saison», rappelle Amélie Masson-Labonté. Elle souligne d’ailleurs qu’avant la popularisation des réfrigérateurs dans les années 1950, la plupart des légumes crus n’étaient mangés qu’en été.
«À cette époque, un certain discours sur la nutrition fait la promotion de la consommation de légumes crus», constate Amélie Masson-Labonté au cours de ses recherches. Elle a pu consulter plusieurs documents gouvernementaux ainsi que des articles, qui expliquent aux femmes, alors responsables de la confection des repas, que la plupart des vitamines et minéraux sont éliminés durant la cuisson.
Au même moment, dans les écoles ménagères provinciales, où l’on forme les jeunes filles à devenir de bonnes épouses, on enseigne la préparation des plateaux de crudités. Dans les années 1940, c’est l’arrivée du premier Guide alimentaire canadien, qui, lui aussi, fait la promotion de la consommation de légumes crus.
Les recettes de trempette ne seront popularisées que dans les décennies suivantes. Ne sachant pas encore comment accompagner les légumes crus, les Québécois les servaient alors avec… du beurre!
L’avis du chef traiteur
Dans le but d’accompagner le repas (de sandwichs pas de croûtes!) de quelques portions de végétaux, le plateau de crudités s’impose souvent dans les services de traiteur.
Amine Nasrallah, chef exécutif de l’entreprise haut de gamme Chaud devant, admet que l’assiette de légumes crus et sa trempette sont toujours très populaires auprès de ses clients, soucieux «d’avoir cette option pour leurs convives végétariens». À son avis, «certains commandent encore un plateau de crudités pour aider à remplir une table et parce que ce n’est pas très cher». Néanmoins, il constate aussi que «d’autres sont vraiment des foodies qui apprécient les bons légumes frais».