À la même époque, à Longueuil, Daniel et ses frères devaient se farcir une trotte de 5 kilomètres aller-retour pour rentrer dîner à la maison. Mais en 9e année (2e secondaire), la route vers la nouvelle école tenue par les Frères de l’instruction chrétienne était devenue trop longue. Les adolescents partaient alors le matin avec des sandwichs de jambon à l’os passé au hachoir à viande. «À l’école Saint-Jude, il y avait une cafétéria énorme où on pouvait manger notre lunch, et on profitait ensuite du gymnase rempli de jeux de Mississippi, alors on aimait ça», se souvient Daniel.
À Outremont, Madeleine aussi usait ses bottines. Quarante minutes de marche chaque midi pour rentrer manger les restes du souper de la veille, exception faite de l’année de ses huit ans, où sa mère l’inscrivit aux repas du réfectoire scolaire. «Il fallait descendre les escaliers en rang, classe par classe, et on attendait en ligne que la religieuse prenne son petit claquoir. Clac! Et là on pouvait tirer nos chaises — sans faire traîner les pattes sur le plancher. Une fois assises, on attendait d’aller à tour de rôle remplir nos assiettes, puis il fallait manger en silence et écouter la lecture de textes religieux. On n’écoutait pas vraiment, mais il fallait se taire, et si on riait, on se faisait réprimander. On mangeait souvent du maïs en crème avec des patates, et, horreur, du poisson le vendredi.»
Madeleine se souvient encore du pire repas servi là-bas: «des œufs au plat pour la fête du pape, jaune et blanc comme les couleurs du Vatican, mais avec le blanc gluant. Il devait y avoir du pain grillé et des haricots en boîte avec ça. On ne pouvait rien dire, mais on se regardait toutes, les yeux écarquillés.»
Comme quoi on peut relativiser: de nos jours, entre les allergènes, les intolérances, les préoccupations nutritionnelles, environnementales et les préférences des enfants, la préparation des lunchs peut parfois sembler un tantinet… compliquée! Mais qu’on se le dise, au moins on peut manger chaud, on a le droit de rire et, si on n’en a pas envie, on n’est pas obligés de manger du poisson le vendredi!