La chasse interdite, qui prend la forme d’un documentaire sonore et d’un livre, relate la chance incroyable qu’a eu le jeune réalisateur d’être invité à participer à une chasse traditionnelle au plus profond du territoire innu, à la frontière entre le Québec et le Labrador.
Parti en motoneige du village de Pakua Shipi, sur la Basse-Côte-Nord, en compagnie de chasseurs d’expérience, Nicolas Lachapelle, équipé de son micro, a documenté pendant des semaines cette chasse éreintante, à laquelle aucun Blanc n’avait participé depuis des décennies.
Au cœur de l’hiver 2021, la troupe a avalé des kilomètres de taïga pour trouver les traces d’atiku, dont la population est en déclin depuis des années. Selon les estimations, il reste au Québec environ 5000 caribous forestiers, une bête autrefois abondante qui a nourri et habillé les populations autochtones pendant des siècles.
L’animal est maintenant sur la liste des espèces désignées vulnérables au Québec et sa chasse est interdite dans la province, tout comme au Labrador voisin. Certaines communautés autochtones y ont renoncé alors que d’autres continuent de la pratiquer plus ou moins ouvertement.
L’expédition était donc nimbée d’une aura d’interdit. La présence constante des gardes-chasses du Labrador, qui ont survolé les chasseurs à basse altitude en hélicoptère à quelques reprises, n’a pas manqué de le rappeler.
«Souvent on fait l’amalgame entre la chasse autochtone et la disparition du caribou, mais c’est de l’hypocrisie, soutient Nicolas Lachapelle en entrevue. Bien sûr, les autochtones ont un rôle à jouer dans la survie de l’espèce, mais la mauvaise santé de populations de caribous a beaucoup plus à voir avec l’exploitation forestière, l’activité industrielle, minière et hydroélectrique sur leur territoire. Si on veut vraiment protéger le caribou, protégeons le territoire du caribou.»
Trois ans après avoir participé à cette épopée boréale, pour laquelle il a d’ailleurs laissé tomber son poste de journaliste à Radio-Canada, le Nord-Côtier d’adoption n’a toujours pas d’idée arrêtée sur la chasse au caribou. Il souhaite avant tout apporter un éclairage nouveau sur la question.
«Ce projet suit mon raisonnement, les questions que je me pose. Je ne peux pas de toute manière me faire le porte-parole des Innus, ce serait mal venu de voir mon rôle comme ça. C’est compliqué comme dossier, je ne l’ai pas abordé comme un journaliste, mais comme un témoin qui réfléchit à voix haute. Je n’ai pas de conclusion définitive, mais je voulais apporter une nuance dans le discours public.»
Celui qui est aussi cinéaste veut également souligner l’importance de cette pratique pour les Innus, pour qui le caribou est à la fois un animal nourricier et sacré.