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Plus de 30 insulaires vivent à longueur d’année à l’Île Verte. Au cœur du fleuve Saint-Laurent, ces irréductibles Gaulois, une fois l’hiver venu, demeurent en contact avec le reste du monde par… hélicoptère et motoneige. Comment font-ils? Que mangent-ils pendant les six mois durant lesquels le traversier est immobilisé? Depuis mon adolescence, je rêvais de découvrir ces valeureux et ces battures. J’y ai passé une semaine en vacances cet été. Résumé de mes découvertes.
Texte et photos de Katerine-Lune Rollet
Tout d'abord, quelques précisons s'imposent sur l’appellation de cet endroit pittoresque. L’Isle-Verte désigne le village sur la côte entre Rivière-du-Loup et Rimouski. Il est souvent tristement associé à l’incendie dans une résidence de personnes âgées qui avait coûté la vie à 32 personnes en 2014. L’île Verte, située en face, c’est cette étendue de 11 kilomètres carrés vis-à-vis l’embouchure de la rivière Saguenay. On la nomme aussi la municipalité de Notre-Dame-des-Sept-Douleurs et ses habitants les… Verdoyants!
On ne retrouve aucune épicerie ou dépanneur sur l'île Verte. Pour les touristes et les 400 résidents «nomades» (qui partagent leur temps entre une autre résidence et l’île), les provisions doivent être faites avant de prendre le bateau. Il est aussi possible de communiquer avec la petite épicerie de L’Isle-Verte et de faire mettre sa commande sur le traversier.
«L’été, deux fois par mois, nous nous rendons au IGA de Rivière-du-Loup pour faire nos emplettes. Et avant que l’hiver n’arrive, il faut tout prévoir: on achète en grandes quantités les carottes et les patates et on remplit les congélateurs de viande», me raconte Guy Langelier, retraité et Verdoyant permanent. Cet ancien inspecteur des aliments pour le ministère de l'Agriculture, des Pêcheries et de l' Alimentation du Québec a eu un coup de cœur pour l'endroit en 1982 et y a acheté un terrain. Il conduit aujourd’hui la navette électrique des circuits touristiques. «Avant l’arrivée du traversier, quand je venais à mon terrain, il fallait que j’appelle un des résidants de l’île pour qu’il vienne me chercher en bateau.» Ce problème d’accessibilité maintenait les propriétés à un très bas prix et lui avait permis d’acheter son lot de terre pour quelques centaines de dollars. Pendant notre conversation, je lui ai fait remarquer que, maintenant les résidences sont deux ou trois fois plus chères que leur équivalent sur la terre ferme. «La venue du traversier dans les années 1990 a fait grimper les prix et le tourisme», me répond-il.
Le traversier, passeur de nourriture
Le traversier – le Peter-Fraser, nommé en l'honneur du premier habitant de l’île Verte – rythme véritablement la vie des Verdoyants. Il est en circulation d’avril à novembre selon l’horaire des marées hautes. Dès que l’eau commence à geler, les gens doivent se déplacer en hélicoptère pour se rendre sur la terre ferme. Avec une limite de 50 livres de bagages par passager, l’épicerie se fait donc légère plusieurs mois par année.
Les insulaires attendent aussi avec impatience la formation du pont de glace pour se rendre en motoneige sur l’autre rive. Ce chemin glacé sur le fleuve leur permet une circulation plus libre. «Au début janvier quand la municipalité déclare le pont ouvert, tout le monde saute sur sa motoneige pour aller se ravitailler. Il y a beaucoup d’allers-retours sur la glace», explique Guy Langelier. «Si on peut faire cela pendant habituellement huit semaines par hiver, il y a trois ans, le pont est resté ouvert seulement neuf jours.» Pas de chance à prendre.
Une île d’agriculture, de pêche et de tourisme
Si la foresterie, l’agriculture et la pêche ont déjà été des industries importantes, le tourisme est maintenant l’unique activité économique. Jusqu’aux années 1930, certaines familles récoltaient la «mousse de mer». La zostère marine, de son vraie nom, une fois séchée et récoltée devient isolante et élastique. Elle était utilisée pour le rembourrage des matelas et des sièges des premières voitures Ford. On récoltait 1000 tonnes par année et chaque tonne était vendue de 20$ à 100$. Une fortune pour l’époque! Malheureusement, un champignon a complètement détruit cette plante et la récolte lucrative qui en découlait.
Les pêcheurs ont traditionnellement pêché le hareng à la fascine. Sur la terre ferme, le sol de l’île est propice à la récolte de pommes de terre. Des troupeaux de moutons ont brouté longtemps les prés. «Il y a un grand potentiel pour de l’agriculture biologique. À ma connaissance, il n’y a eu aucun engrais chimique utilisé ici depuis 40 ans», précise Guy Langelier.
Où manger sur l’île?
Parmi les quelques Verdoyants natifs de l’île et qui y résident toujours (on les compte sur les doigts des mains), il y a deux femmes qui nourrissent les visiteurs.
D’abord Chez Colette, fumoir artisanal. Le père de Colette Caron, la poissonnière, a été le dernier pêcheur de l’île. Aujourd’hui, ses poissons, provenant de la Gaspésie ou du Nouveau-Brunswick, sont particulièrement frais et délicieux. Dans la poissonnerie, on peut aussi acheter du saumon ou du maquereau fumés et des plats congelés.
Pour une petite douceur, les mercredis, Michelle Dionne, propriétaire du Café l’Échouerie propose un après-midi gourmandises pour déguster un morceau de gâteau avec un café. On peut aussi s’attabler pour le dîner ou le souper à condition d’avoir obligatoirement réservé.
Afin de manger sur le pouce, on peut passer au casse-croûte Entre deux marées ou au Café d’Alphé qui vend des plats préparés.
Pour connaître l’île sous toutes ses coutures, deux circuits découvertes sont disponibles à bord d’un véhicule électrique. Guy Langelier est l’un des guides pour ces visites! Réservation : (418) 714-3528 ou cdgtiv.navette@gmail.com
Bonne visite sur cette île assurément unique et verdoyante!