Quel avenir pour les sucres? - Caribou

Quel avenir pour les sucres?

Publié le

30 mars 2024

Texte de

Julie Francœur

Les producteurs de sirop d’érable dépendent de la météo. Alors que la première coulée semble arriver de plus en plus tôt année après année, certains se questionnent sur les effets des changements climatiques sur les érables.
Les producteurs de sirop d’érable dépendent de la météo. Alors que la première coulée semble arriver de plus en plus tôt année après année, certains se questionnent sur les effets des changements climatiques sur les érables.
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Le printemps acéricole compte de cinq à sept semaines de coulées. L’arbre libère son eau tant et aussi longtemps que la température est adéquate: du gel durant la nuit et du temps doux le jour. Traditionnellement, les conditions sont réunies entre la fin du mois de février et le début du mois de mai, selon les régions. Mais, cette année, on a vu de premières coulées aussi tôt qu’en décembre aux quatre coins de la province.

«Aux Producteurs et productrices acéricoles du Québec (PPAQ), on ne répertorie pas les premières coulées. Et ce, pour la simple et bonne raison que les dates varient d’une année à l’autre, d’une région à l’autre, et même d’une érablière à l’autre. On sait que les changements climatiques pourraient provoquer un devancement de la période des coulées, mais on manque de données pour le confirmer», explique Joël Vaudeville, directeur des communications de l’organisation affiliée à l’Union des producteurs agricoles.

Pour les acériculteurs concernés, la situation est cependant bien réelle. Plusieurs disent devoir composer avec des débuts de saison hâtifs et avoir été pris au dépourvu par des redoux inhabituels. Le consortium en climatologie régionale et en adaptation aux changements climatiques Ouranos estime pour sa part que la saison de coulée commencera de 9 à 13 jours plus tôt entre 2046 et 2065. Elle débutera même de 15 à 19 jours plus tôt entre 2080 et 2100 par rapport aux 30 dernières années du XXe siècle.

Des saisons qui se suivent, mais qui ne se ressemblent pas

Les changements climatiques ont déjà poussé certains producteurs à devancer leur date d’entaillage. On a récemment vu des acériculteurs qui avaient décidé de fabriquer du sirop d’érable en décembre. C’est le cas de Julien du Pasquier, en Estrie, qui a commencé à faire du sirop à la fin de l’automne, pour ne pas perdre de production. Une option qu’envisagent également des acériculteurs du Bas-Saint-Laurent.

«Les producteurs sont vraiment amenés à adapter leurs choix d’entaillage pour ne pas laisser du sirop d’érable sur la table s’ils n’ont pas terminé leurs entailles lors de la première coulée», explique M. Vaudeville. «Ça peut être une solution, d’entailler plus tôt. Mais il faut comprendre que, si on le fait trop tôt et qu’il survient une chaleur, la blessure de l’arbre va se refermer et ça va mettre fin à la saison du producteur», prévient-il.

À la question de savoir si les acériculteurs ont la possibilité de réagir à quelques jours de préavis, en fonction des prévisions météo, le directeur des communications se montre nuancé. «Dans un contexte où la main-d’œuvre reste rare, ça peut être difficile de se retourner de bord en une semaine, surtout si on a une érablière de 20 000 ou 30 000 entailles», dit-il.

Améliorer la résilience des érablières

«On reste très vigilants par rapport aux impacts potentiels des changements climatiques sur la santé des érables, précise M. Vaudeville. De notre côté, on ne constate pas de stress sur les arbres qui pourrait faire en sorte que la possibilité de faire du sirop soit comprise. Mais on est très attentifs à la présence de certains insectes envahisseurs.»

Ces insectes, ce sont la livrée des forêts et le longicorne asiatique, deux espèces qui défolient les arbres et tuent des populations entières. Face à la menace qu’ils représentent pour les érablières, le PPAQ accompagne les producteurs dans la diversification de leurs peuplements. «Certaines espèces compagnes font bon ménage avec l’érable et rendent la forêt plus résiliente», dit M. Vaudeville.

Les catastrophes naturelles et le déplacement de la zone bioclimatique retiennent également l’attention de l’organisation. «La zone propice à la croissance de l’érable est en train de migrer vers le nord en raison du réchauffement planétaire. On pourrait donc se retrouver avec de nouveaux peuplements aussi au nord qu’au Saguenay–Lac-Saint-Jean», ajoute-t-il.

Préparer l’avenir

Environ 18% de l’ensemble du sirop d’érable au Québec est produit en forêt publique. Pour répondre aux besoins des marchés extérieurs et à la croissance de la filière, les PPAQ souhaitent que cette proportion passe à 30% d’ici 2080.

«Un érable, ça met 50 ans à produire assez d’eau pour faire du sirop d’érable. Les décisions qu’on prend aujourd’hui concernant la forêt publique vont donc avoir un impact dans les années à venir.»
Joël Vaudeville

Une partie des superficies que les PPAQ aimeraient exploiter se trouve à l’extérieur de sa niche climatique actuelle. «Il y a certainement une réflexion à avoir sur une migration assistée de la part du ministère des Forêts, pour transporter l’érable là où les sols le permettent.»

Des récoltes variables

  • 2023: 124 millions de livres de sirop
  • 2022: 211 millions de livres de sirop
  • 2021: 133 millions de livres de sirop
  • 2020: 175 millions de livres de sirop
  • 2019: 159 millions de livres de sirop
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