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Pratique d’origine précolombienne, devenue mets avéré de la cuisine autochtone nord-américaine, la sagamité consistait à épaissir un bouillon à l’aide de semoule de maïs. Il y a tant à dire sur cette pratique révélatrice de l’Amérique, mais attardons-nous, le temps de quelques lignes, au nom lui-même: sagamité.
Texte d’Alex Cruz et Cyril Gonzales, d’École-B Illustration de Matthieu Goyer
Conférons d’entrée de jeu l’origine de notre sagamité aux nations iroquoiennes qui vivaient près des Grands Lacs. Notamment aux Hurons et aux Mohawks (Agniers) pour qui, très curieusement, le nom de sagamité prenait plutôt celui d’Ottet et d’Ononta. Attribuons cet écart linguistique au fait simple que la sagamité est en fait une version francisée de son alter ego algonquin: sagameteow.
En fait, cette distance s’explique surtout par un balbutiement d’internationalisation qui a eu lieu aux abords des Grands Lacs. Réminiscence que certains jugeraient aujourd’hui de sévère appropriation culturelle, mais bon… continuons tout de même.
C’est donc vraisemblablement au contact d’Iroquoiens commerçant au pourtour des Grands Lacs que certaines nations algonquiennes telles que les Cris et les Algonquins auraient adopté la pratique d’épaissir un bouillon avec du maïs. Sans le moindre complexe, ceux-ci auraient ensuite étendu cette pratique iroquoienne la désignant sous de multiples subtilités linguistiques propres à chaque nation algonquienne.
Il nous suffit ensuite de plonger dans l’univers métissé des coureurs des bois et d’autres «délinquants de l’Hinterland» pour constater, noir sur blanc, que la sagamité a littéralement nourri le récit de ces «ensauvagés».
Elle fût aussi connu sous le nom de soupane dans quelques racoins dit «civilisés» de la Nouvelle-France. Cette variation s’avèrera contre toute attente, être une adaptation française de Supwan, un mot – tenez-vous bien – hollandais qui ne peut qu’avoir «retonti» ici que depuis l’ancienne colonie de New Amsterdam, New York pour ses intimes.
Mais tout compte fait, retenez une seule chose de cette capsule: le rituel lié à la préparation de tout type de gruau fait à partir de maïs est fondamentalement originaire de l’Amérique et il n’en appartient qu’à nous de le faire savoir. Du moins, pensez-y la prochaine fois que quelqu’un vous dira inconsciemment que sa sagamité à lui s’appelle: polenta, milhàs, maïs sosso, mãmãligã, pozole…
À propos du Carnet d’École-B
École-B partage des faits saillants et insolites d’une culture culinaire riche et diversifiée, située au bout de l’Amérique, qui, mis à part ses quelques clichés beurrés épais, est, dans son essence, méconnue de la plupart de ses gens. Ce qui est cependant connu, c’est que la culture c’est comme de la confiture, et moins t’en as, plus tu l’étends.
C’est donc dans cet état d’esprit, qu’a été créé le Carnet d’École-B, dirigé par Alex Cruz et Cyril Gonzales, et illustré par Matthieu Goyer.
Chaque semaine, avec une petite touche d’irrévérence, mais avec une énorme dose d’enthousiasme, l’équipe d’École-B publiera des capsules sur la culture culinaire québécoise qui, d’ores et déjà, on vous l’affirme, briseront certaines idées reçues, jetteront quelques pavés dans la mare, et ouvriront, on l’espère, de nouveaux horizons.