Muses culinaires - Caribou

Muses culinaires

Publié le

25 mars 2021

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Qui est la Suzette à l’origine des crêpes? Quelle belle Hélène a inspiré à un chef l’idée de pocher des poires dans le sirop? Est-ce qu’un barman a prononcé trois fois les mots Bloody Mary devant le miroir pour que le cocktail du même nom apparaisse dans ses mains? Notre patrimoine culinaire regorge de mets aux noms féminins. Retracer leur origine n’est toutefois pas une mince affaire, puisque le temps semble avoir «invisibilisé» plusieurs de ces femmes. Voici cependant la petite histoire de cinq desserts dont les traces ne se sont pas complètement effacées.

Texte de Bernard Lavallée, nutritionniste urbain
Illustration de Simon L'Archevêque

Pets de sœur

Au Québec et en Acadie, les pets de sœur désignent une pâtisserie confectionnée à partir de pâte brisée qu’on roule, et sur laquelle on ajoute du beurre, de la cannelle, des noix et de la cassonade. On la tranche ensuite en rondelles avant d’enfourner ces dernières. Même si l’appellation «pets de sœur» est aujourd’hui la plus commune, le dessert est également connu sous le nom de rosettes, d’hirondelles et de bourriques de sœur.

Il faut toutefois savoir que le nom, d’origine acadienne, provient d’une autre pâtisserie française ressemblant davantage à des croquignoles. Cette dernière était également appelée pets de nonne ou pets de putain. La version québécoise aurait été développée au XIXe siècle dans le but de la rendre plus économique, puisqu’on peut la cuisiner sans œufs ni grande friture. C’est aussi une excellente façon d’utiliser les restes de pâte à tarte.

Même si la légende affirme qu’un couvent aurait été atteint d’une épidémie de flatulences après l’ingestion du mets, aucune source sérieuse ne permet de le confirmer.

Madeleine

Il existerait bel et bien une Madeleine, qui aurait habité dans la commune de Commercy, en France, et aurait inspiré cette pâtisserie. Selon la légende, elle aurait moulé de la pâte dans des coquilles Saint-Jacques, produisant ainsi la forme typique du petit gâteau. La madeleine en tant que dessert aurait fait son apparition à Versailles vers 1730, offerte par Stanislas Leszczynski à sa fille, Marie Leszczynska, alors reine de France.

On croit que la pâtisserie a fait le voyage de l’autre côté de l’Atlantique et qu’elle était consommée en Nouvelle-France, puisque la recette est très simple à réaliser, pourvu qu’on possède les petits moules en forme de coquilles Saint-Jacques.

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Tire Sainte-Catherine

Catherine d’Alexandrie est née à la fin du IIIe siècle en Égypte. Elle aurait été assassinée dans la fleur de l’âge, après avoir refusé la main d’un prétendant. Dans la religion chrétienne, sainte Catherine est ainsi considérée comme la protectrice des filles célibataires, et on la célèbre le 25 novembre. Les femmes qui ont 25 ans ou plus à cette date sont même appelées des catherinettes.

La tire Sainte-Catherine, nommée ainsi en l’honneur de cette journée, a été inventée par Marguerite Bourgeois, la fondatrice de la première école en Nouvelle-France. La confiserie, qui est constituée de différents sucres qu’on chauffe, puis qu’on «tire» tandis que le mélange refroidit, aurait servi à attirer les enfants à l’école. Jusque dans les années 1960 environ, on fêtait d’ailleurs la Sainte-Catherine dans toutes les écoles du Québec en préparant cette sucrerie.

Gâteau Reine-Élisabeth

Noix de coco et dattes: on adore ce mélange de saveurs au Canada, où le gâteau Reine-Élisabeth est le plus connu. Même si ses origines sont assez récentes, on ne sait pas exactement d’où provient cette pâtisserie. L’hypothèse la plus fréquemment répétée – ce qui ne la rend pas nécessairement vraie pour autant – affirme qu’elle aurait été servie en 1953 à Londres, en l’honneur du couronnement de la reine Élisabeth II. Une chose est sûre, c’est que l’appellation «gâteau Reine-Élisabeth» commence à apparaître dans les livres de cuisine canadiens vers les années 1950 seulement.

May West

Le petit gâteau blanc industriel enrobé de chocolat et fourré de crème est bien connu des Québécois, mais pas son histoire, qui remonte à près d’un siècle. Son nom serait un clin d’œil à Mary Jane West, mieux connue comme Mae West, une actrice américaine ayant œuvré surtout durant la première moitié du 20e siècle.

René Brousseau, qui travaillait alors à la pâtisserie Vaillancourt, située à Québec, aurait inventé le gâteau qui portait, à l’origine, le même nom que l’actrice. La Stuart Company Inc., établie à Montréal, achète le dessert en 1932 et commence à le fabriquer. La compagnie changera éventuellement le nom du gâteau pour «May West», mais la date exacte de cette modification est inconnue. On sait en tout cas qu’une publicité parue dans le journal L’Avenir du Nord du 18 août 1939 vante les «excellents Biscuits MAY-WEST […] fabriqués par la compagnie STUART limitée».

À la même époque, en 1923, Joseph-Arcade Vachon et sa femme Rose-Anna Giroux achètent une boulangerie à Sainte-Marie-de-Beauce. Ils créent, en 1932, le gâteau Jos Louis, puis l’entreprise J.A. Vachon & fils prend de l’expansion à travers le Québec. En 1979, cette dernière achète un de ses compétiteurs: la compagnie Stuart. C’est ainsi que les Vachon deviennent les propriétaires et les fabricants des gâteaux May West.


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Ce texte est paru à l’origine dans le numéro 11, FEMMES, au printemps 2020.

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